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Agroforesterie, chocolat et football, les multiples facettes de la SCINPA en Côte d’Ivoire

Née dans le village d’Anno dans la sous-préfecture d’Agboville en Côte d’Ivoire, la Société coopérative ivoirienne du négoce des produits agricoles (SCINPA) multiplie les initiatives à l’attention de ses 4000 membres. Nous avons profité de la présence de son président, Moussa Sawadogo, à la Conférence mondiale du cacao pour comprendre en quoi les appuis du TDC en marketing ont été bénéfiques et, surtout, pour faire le point sur les projets en cours.

Quel a été l’apport du TDC ? En quoi a-t-il fait évoluer la SCINPA ?

Le TDC nous a aussi appris à communiquer, à négocier avec les acheteurs. Nous avons professionnalisé la manière de présenter notre coopérative et d’expliquer notre travail. Nous sommes maintenant convaincus que la communication est très importante, tout comme le packaging, quand on veut commercialiser ses produits.  Nous sommes la seule coopérative de Côte d’Ivoire à avoir présenté nos produits lors de la Conférence mondiale du cacao.

Pourriez-vous nous expliquer les nombreux projets de la SCINPA ?

Nous développons l’agroforesterie pour nos membres, de manière adéquate. Beaucoup d’organisations distribuent des arbres, mais il y a énormément de mortalité. Le producteur se rend à un centre de distribution, prend la plantule, la met derrière son vélo. Le temps d’arriver en brousse, il y a déjà beaucoup de pertes. Et puis il ne sait pas forcément comment s’occuper des plantules. Il y a beaucoup de mortalité. Permettez-moi une petite métaphore : quand tu mets un enfant au monde et que tu l’éduques, tu ne peux pas ne pas l’aimer. Mais quand quelqu’un éduque ton enfant à ta place, entre vous, vous allez vous aimer, mais ça va être un peu difficile. Toute proportion gardée, c’est un peu pareil pour les arbres. Les pépinières doivent être organisées par les coopératives et les producteurs doivent s’en occuper.                                                                                                                                                         

 

Quelles sont vos réalisations et vos ambitions en matière de transformation des fèves de cacao ?

Nous produisons déjà des tablettes de chocolat pour le marché local. Et nos tablettes, nous les fabriquons nous-mêmes, de manière artisanale, sans traitement. Nous utilisons de petites machines confectionnées par nos soins. Nous avons été accompagnés tout d’abord par Axel Emmanuel, puis par un autre chocolatier lui-même formé en Suisse. Dix femmes travaillent maintenant dans nos ateliers.

Nos tablettes, les gens les apprécient. Nous produisons du chocolat au lait et du chocolat noir, mais nous ne nous sommes pas arrêtés là.  Nous avons vu qu’au nord du pays, les gens produisaient du soumbara, qui soigne la tension. Nous avons donc fait des tests pour voir si chocolat et soumbara pouvaient se marier, ce qui s’est avéré être le cas.

Nous vendons aussi des tablettes de chocolat au sésame, qui a connu un certain succès l’an dernier au salon de l’agriculture de Paris, tout comme notre chocolat aux noix de cajou cette année. Nous faisons la promotion du soumbara, et d’autres produits que nous consommons en Afrique, à travers nos tablettes de chocolat.

Notre autre projet est de transformer les fèves de cacao en produits semi-finis pour pouvoir vendre de la masse et de la poudre de cacao en grande quantité et les exporter. Nous venons d’avoir l’agrément à l’exportation.

Mapping des parcelles et allocations scolaires

Nous cartographions aussi les parcelles de nos membres pour voir si les planteurs ne sont pas dans la forêt classée et pour connaître la superficie réelle de leur parcelle. Nous en profitons pour réaliser une petite enquête afin de savoir s’ils ont des enfants, combien d’entre eux vont à l’école et combien ne peuvent pas y aller, pour quelles raisons, et quels sont leurs besoins. Nous avons aussi cherché à identifier les enfants les plus pauvres, les plus démunis, qui parfois n’ont pas de kaki (uniforme) pour aller à l’école ou dont le kaki est déchiré. Certains ont honte d’aller à l’école ou, lorsqu’ils y vont, ne regardent plus le tableau mais se concentrent sur la manière dont ils sont habillés. Nous leur octroyons une petite allocation scolaire, et certains sont devenus les premiers de leur classe.

Football et chocolat

Nous avons également créé un centre de formation de football, dans lequel nous essayons d’intégrer des enfants des rues sans moyens. Ils suivent à la fois une formation scolaire et footballistique. S’ils ne réussissent pas l’école, peut-être réussiront-ils au niveau sportif ? Une de nos équipes joue dans le championnat national. Nous sommes occupés à organiser un tournoi international, aussi pour promouvoir le lancement de nouvelles tablettes de chocolat et pour parler du chocolat et des enfants que nous enlevons à la rue. Voilà un peu nos projets pour l’instant.

En Côte d’Ivoire, le prix bords champs du cacao a augmenté de 50%. Une excellente chose pour les producteurs, mais qui n’est pas sans poser quelques défis aux coopératives.  

Il faut en effet avoir la trésorerie suffisante pour acheter le cacao et faire du dépôt-vente. Nous avons un peu de financement et un petit fonds de roulement. Certains des exportateurs nous donnent aussi des avances pour que l’on puisse rassembler le cacao de nos membres et leur livrer.  Mais les coopératives sont concurrencées par des pisteurs qui surpayent le cacao et parfois le font sortir des frontières. C’est vraiment un problème.

Quelles étaient vos attentes par rapport à la conférence mondiale sur le cacao ?

Tout le monde parle du revenu décent du producteur. Mais pour cela, il faut payer un prix correct pour le cacao. Tout le monde en parle, mais peu l’appliquent réellement. Les gros acteurs industriels ne sont pas vraiment présents à la conférence, peut-être parce qu’ils ne veulent pas payer un prix correct. Pourquoi ? C’est ce qu’il faut comprendre, parce que si les producteurs sont payés correctement, ces problèmes de travail des enfants et de destruction des forêts se résoudront beaucoup plus facilement. Si tu ne reçois pas un bon prix pour ton cacao, tu détruis la forêt pour produire encore plus et essayer de nouer les deux bouts.  Beaucoup sont aussi dégoûtés du secteur du cacao et le quittent. Aujourd’hui, le prix bord champ est passé de 1000 FCFA à 1500 FCFA, c’est une excellente chose, mais pour combien de temps ?

– Propos recueillis par Samuel Poos, coordinateur du Trade for Development Centre d’Enabel
– Photos : Moussa Sawadogo, Président de la SCINPA
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