Chocolatoa, plus qu’un fabricant de chocolat

Depuis 2015, Chocolatoa confectionne un chocolat bean-to-bar à la fois artisanal et éthique. Mais la chocolaterie belge partage également son expertise en dispensant formations et conseil professionnel, sous la houlette de son fondateur, Mario Vandeneede.

Au sortir de ses études de chocolatier à Malines, Mario Vandeneede s’est rendu pendant quelque temps en Équateur. Là-bas, il a notamment enseigné la transformation du chocolat à l’université San Francisco de Quito, de même qu’il s’est occupé de l’entretien d’une plantation de cacao. Si l’idée de confectionner du chocolat à partir de la seule fève de cacao a germé à cette époque, le chocolate maker a toutefois dû attendre encore dix années avant de concrétiser son rêve. « En 2015, au cours d’un salon, j’ai fini par rencontrer un manufacturier qui pouvait me fournir une machine de qualité à bon prix. C’est ainsi qu’a pu débuter l’histoire de Chocolatoa », se remémore Mario Vandeneede. « Beaucoup de fabricants de chocolat bean-to-bar se lancent avec l’idée qu’ils veulent faire bouger les choses dans le secteur, mais sans forcément disposer au départ des compétences ou de l’expérience nécessaires. En ce qui me concerne, je veux aussi amener un changement, mais j’estime qu’il est important de disposer avant tout d’une formation de chocolatier. Je sais comment travailler le chocolat, j’ai enseigné cela pendant des années dans presque toutes les écoles de boulangerie/pâtisserie du pays. Puis, petit à petit, je me suis lancé en produisant d’abord au kilo, puis par 10 kilos et ainsi de suite jusqu’à pouvoir produire une centaine de kilos par semaine dans mon atelier actuel. » Annuellement, Chocolatoa produit quelque 6.000 bars de chocolat sous sa propre marque, et les commercialise via différents canaux : son webshop (fermé les mois d’été à cause de la chaleur), l’un ou l’autre supermarché local, le magasin bruxellois spécialisé dans les chocolats fins Brigitte ou encore lors d’évènements comme des foires ou des salons. Enfin, le fabricant travaille également pour le compte d’une dizaine d’autres petites marques, qui lui sous-traitent la confection de leur chocolat.

Bio et équitable, mais pas nécessairement certifié

La réputation du chocolat belge constitue bien sûr un atout indéniable au moment de se lancer dans la commercialisation de pareils produits, surtout à l’étranger. Pourtant, et malgré le fait que ses chocolats soient régulièrement primés lors de concours internationaux, Mario Vandeneede ne se gausse pas nécessairement de cet attribut. « Si vous allez aux Pays-Bas par exemple, vous ne pouvez que vous en réjouir. Le chocolat belge, tout le monde veut le goûter. Mais comment dire cela de manière diplomatique ? Le chocolat belge est une tradition, il a une histoire… Mais ce n’est pas parce qu’un chocolat, même bean-to-bar, est fabriqué en Belgique qu’il est meilleur qu’un autre. C’est surtout grâce au travail acharné des cacaoculteurs, des coopératives qui consacrent beaucoup de temps et d’efforts à réaliser une fermentation de qualité des fèves, etc. C’est pour cela qu’il est primordial à mes yeux que le cacao que j’utilise soit issu du commerce équitable et de l’agriculture biologique, même s’il ne doit pas disposer obligatoirement des labels ad hoc. » Mais sans certification, comment le fondateur de Chocolatoa peut-il avoir la certitude que ces deux critères sont remplis ? « En se rendant sur place, dans les plantations, que ce soit par moi-même ou par le biais d’une personne de confiance. C’est la raison pour laquelle je ne travaille qu’en direct avec un producteur ou exclusivement via Silva Cacao, un importateur de cacao de spécialité dont le slogan est ‘Cacao with an identity’. » Contrairement au modeste fabricant, Silva Cacao dispose pour sa part des certifications ‘commerce équitable’ et ‘bio’. Et si tous les cacaos que l’importateur propose ne disposent pas systématiquement de ces labellisations, l’ensemble des produits répondent néanmoins aux principes du commerce équitable établis par l’Organisation mondiale du commerce équitable et sont issus d’une agriculture biologique. Quant aux prix payés aux producteurs, Silva Cacao explique sur son site que, dans la mesure où l’entreprise n’achète que des fèves de spécialité, ils sont systématiquement supérieurs au prix minimum Fairtrade. « En outre, chaque cacao que j’achète auprès de Silva dispose d’une sorte de carte d’identité accessible en ligne et qui renseigne son origine géographique exacte, comment la communauté qui le produit travaille, ses caractéristiques aromatiques, etc. C’est très transparent. Et si je veux connaître d’autres détails, Silva Cacao est en mesure de me les fournir. », précise encore Mario Vandeneede. « Par ailleurs, bon nombre des cacaos avec lesquels je travaille figurent également sur le site du projet ‘Mapa de Sabores de Cacao’. » Cette ‘carte des saveurs’, qui est un outil développé au sein du programme Maximizing Opportunities for Coffee and Cocoa in the Americas (MOCCA), financé par l’USDA, le département de l’Agriculture des États-Unis, répertorie de nombreux cacaos des Amériques en fonction de leur profil aromatique, de leur processus post-récolte, etc. « Je trouve que ce genre d’initiatives change vraiment la donne. En tant que chocolatier, vous bénéficiez ainsi d’une grande transparence, vous connaissez les coordonnées GPS de la plantation, qui y travaille, quelles normes y sont respectées… »

Plus qu’une chocolaterie…

Le souci de Mario Vandeneede pour le sourcing et la durabilité de son cacao ne s’exprime toutefois pas uniquement au travers du chocolat qu’il fabrique, car la confection et la vente ne constituent qu’une seule des facettes de Chocolatoa. « S’il est très important à mes yeux de toujours connaître la provenance des fèves que j’utilise, notre philosophie est également de partager cette connaissance. » Et cela, la petite entreprise le fait de plusieurs manières. « Chocolatoa, c’est plus qu’une chocolaterie, c’est aussi une académie qui enseigne comment fabriquer efficacement du chocolat à petite échelle et à partir de produits de très haute qualité. Et pour moi, la qualité, c’est de savoir d’où viennent les fèves, dans quelles conditions elles ont été cultivées, quel a été leur protocole de fermentation, etc. Et à côté de ce volet enseignement, nous avons également une activité de consultance auprès de divers clients et une autre de laboratoire, c’est-à-dire que nous fabriquons des échantillons de chocolat dans une optique d’amélioration de la qualité du cacao. C’est un point important, car si un cacaoculteur parvient à produire un meilleur cacao, il va pouvoir en demander un meilleur prix, et donc améliorer ses revenus et son niveau de vie. »

Plus que du chocolat…

Même si elles semblent bien différentes, ces multiples activités poursuivent néanmoins un but commun. « Pour moi, il s’agit avant tout de créer de l’impact, et pas forcément de compter le nombre de barres que je vends », poursuit le chocolatier. « Créer un impact se mesure davantage au nombre de personnes que vous parvenez à toucher avec votre histoire et dont vous arrivez à changer le point de vue sur la consommation. » Et sur ce point, la vision de Mario Vandeneede se veut très clair. « Le chocolat ne devrait plus être considéré comme une friandise ou un vulgaire bonbon, mais bien comme un produit de luxe, comme le vin peut l’être. Vous trouvez des bouteilles très bon marché à 2 euros et des grands crus à 30 euros, 100 euros, voire plus. C’est exactement la même chose pour le chocolat, il existe des qualités différentes, et nous devons parvenir à éduquer le consommateur afin qu’il en soit conscient et puisse être en mesure d’apprécier cela. Si nous y parvenons, alors nous pourrons vraiment faire bouger les choses. » Il reste toutefois encore beaucoup de travail à fournir de la part du secteur dans ce domaine, y compris dans le chef de Mario Vandeneede, reconnait-il lui-même. « Je suis sûr à 100% que ce que j’achète est durable, mais je me dois d’en faire encore plus pour améliorer mes connaissances sur les problématiques qui gangrènent le secteur. Et aussi mieux communiquer auprès de mes clients sur les différences qui existent entre un chocolat lambda sans traçabilité et un chocolat véritablement de qualité. »

– Propos recueillis par Anthony Planus pour le Trade for Development Centre
– Photo : chocolatoa.be
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