Fort d’une histoire remontant à plus de 250 ans, Beyers Koffie, plus grand torréfacteur de café en Belgique, n’en entend pas moins vivre avec son temps. Fin 2025, l’entreprise sera l’une des premières au monde à inaugurer une ligne de torréfaction industrielle 100% électrique.
Beyers Koffie, qui fait aujourd’hui partie du groupe suisse Sucafina, a été fondé à Anvers en 1880, mais ses racines s’étendent jusqu’au Pays-Bas et au milieu du 18e siècle. Au fil des années et des époques, le torréfacteur a grandi, au point d’être aujourd’hui le numéro 1 du secteur en Belgique et l’un des acteurs majeurs sur le marché européen des marques de distributeur (MDD), son cœur de métier. Mais malgré ce riche passé, l’entreprise n’en oublie pas de regarder vers l’avenir. « Je dirais que notre vision, c’est d’être le premier torréfacteur de café durable sous marque de distributeur en Europe », explique Cory Bush, CEO de Beyers Koffie Group. « Bien entendu, cela implique de faire un certain nombre de choses, et ce, au travers d’une grande variété de projets. Le café étant une denrée agricole tropicale, nous devons nous concentrer sur la durabilité de la ferme jusqu’au consommateur, ce qui représente un spectre assez large. Cela va des questions de durabilité au niveau des exploitations agricoles jusqu’aux emballages, en passant par l’utilisation de l’énergie dans nos contrées. »
Concernant ce dernier point, Beyers Koffie a déjà pris plusieurs mesures, à commencer par se fournir en électricité verte ou en installant des panneaux solaires sur les toits de son usine située à Puurs-Sint-Amands. Mais tout cela, de nombreuses entreprises, actives dans le café ou non, le font déjà. La vraie innovation dans laquelle s’est lancé le torréfacteur, c’est la mise en place d’une ligne de torréfaction 100% électrique, une rareté à l’heure actuelle, dans un secteur particulièrement gourmand en gaz naturel.
« La torréfaction sans combustible fossile constitue l’avenir »
« La torréfaction électrique va être un tournant important pour nous », poursuit Cory Bush. « Selon nous, la torréfaction sans combustible fossile constitue l’avenir. Non seulement son impact positif sur l’environnement est conséquent, mais je pense aussi à l’aspect économique. Certes, aujourd’hui, c’est un peu plus cher, mais les avantages sont évidents : plus besoin de gaz et il est possible d’utiliser des énergies renouvelables. Or le coût des émissions de carbone ne va faire qu’augmenter, tandis que le coût des énergies vertes va continuer à baisser. Avec le temps, cette solution ne va faire que devenir de plus en plus judicieuse, aussi bien d’un point de vue environnemental qu’économique. Sans oublier que si l’on prend l’exemple de l’automobile, pour laquelle il y a de plus en plus d’incitations financières à abandonner les moteurs à combustion, le même genre de mesures devrait intervenir pour d’autres secteurs. Quand ? Je ne sais pas, mais cela se produira. Enfin, je pense également qu’avec le temps, lorsque nos clients commenceront à se concentrer davantage sur leurs émissions de scope 3 (émissions indirectes générées en amont ou en aval de la chaîne d’approvisionnement d’une entreprise, ndlr), la façon dont nous produisons notre café pour leur compte deviendra de plus en plus importante. Nous considérons donc qu’il s’agit là d’un avantage concurrentiel à moyen et à long terme. »
Actuellement encore au stade de la conception et de l’ingénierie, la future ligne de torréfaction électrique de Beyers Koffie devrait entrer en service vers la fin de 2025, c’est du moins l’objectif que s’est fixé l’entreprise. Une fois opérationnelle, la ligne devrait être en mesure de couvrir une part significative de la production du torréfacteur, peut-être même jusqu’à hauteur de la moitié. « Il s’agit d’une nouvelle technologie », souligne le dirigeant. « Et à chaque fois que l’on travaille avec une nouvelle technologie, il faut réapprendre toute une série de choses et adapter les méthodes utilisées par le passé. Il y aura certainement une période d’apprentissage, mais nous sommes très confiants quant à la qualité de la technologie. »
« Nous sommes en faveur de la certification, mais ce sont nos clients qui ont le dernier mot »
Au-delà de la torréfaction électrique, et des potentiels bienfaits environnementaux qu’elle recèle en cas de recours à des énergies renouvelables, Cory Bush n’oublie pas pour autant que le cœur du problème des émissions de CO2 dans le secteur du café ne se situe pas nécessairement dans les pays transformateurs, mais bien dans les régions productrices. « La majorité des émissions de carbone ne se trouvent pas du côté de la torréfaction et de la vente, elle provient des activités en amont, c’est-à-dire la production de café vert, et ce, principalement à cause de l’utilisation d’engrais chimiques et de pesticides. À ce titre, nous disposons, outre nos projets de développement environnementaux et sociaux dans les pays producteurs, d’une gamme de produits issus de l’agriculture biologique. Et plus largement, je dirais qu’environ deux tiers du café que nous torréfions dispose d’une certification durable, que ce soit Rainforest Alliance, bio, Fairtrade, etc. »
Pourquoi pas la totalité, vu l’engagement qui semble animer Beyers Koffie ? « Nous sommes un producteur de marques de distributeur », rappelle le CEO. « Les types de produits que nous utilisons sont donc déterminés par nos clients. Ainsi, si un détaillant nous dit qu’il veut un produit bio, nous serons très heureux et tout à fait en mesure de le produire. S’il lui faut une gamme Rainforest Alliance, nous le ferons. Nous essayons toujours de convaincre nos clients du fait que la durabilité est au cœur de notre croissance, raison pour laquelle nous proposons toujours l’option durable en premier lieu, et il s’ensuit une phase de discussion. De manière générale, nous aimons travailler avec les clients qui s’intéressent véritablement au développement durable. C’est là que nous pouvons apporter une grande valeur ajoutée et aider nos clients à faire de très bonnes choses. Tout cela pour dire que nous sommes donc très favorables à la certification, mais c’est généralement le marché et nos clients qui ont le dernier mot. La bonne nouvelle, c’est que la tendance va clairement vers une production de plus en plus durable. » Autre source d’espoir aux yeux de Cory Bush : les avancées législatives en matière de normes environnementales, sociales, etc. « Tout cela va contribuer à créer des conditions équitables pour tout le monde. L’un des gros problèmes rencontrés jusqu’ici par les personnes désireuses de faire ce qu’il faut était qu’elles devaient systématiquement faire face à la concurrence de personnes qui n’en avaient rien à faire. »
« Si le café ne prospère pas, notre entreprise ne survivra pas »
Pourtant, le temps presse pour l’industrie du café. « Au cours des 5 à 10 dernières années, nous avons assisté à une modification des régimes de précipitations et de températures, ce qui rend la production de café difficile dans de nombreuses régions du monde. Le changement climatique est quelque chose que les agriculteurs vivent et constatent en première ligne depuis un certain nombre d’années déjà », prévient Cory Bush. « De plus, il est également indispensable de s’assurer que ces agriculteurs gagnent suffisamment d’argent grâce au café pour pouvoir continuer à en produire. Cet aspect a toujours constitué un défi pour le secteur, mais il est encore exacerbé lorsque les récoltes se font moins fiables d’une année à l’autre comme c’est le cas à cause du changement climatique… » Et le CEO de Beyers Koffie de conclure par un avertissement : « Nous avons besoin du café pour prospérer, et pour que celui-ci prospère également, nous pensons qu’il doit être plus durable. Si ce n’est pas le cas, notre entreprise ne survivra pas. »