Thylbert : La kombucha, une boisson curative équitable, née de l’engagement social

Élixir séculaire doté de propriétés curatives, la kombucha est commercialisée par la société Thylbert depuis plus de quinze ans déjà. Toutes les activités de cette entreprise originaire de Beernem s’articulent autour de son désir de travailler de façon durable et équitable, tant sur le plan des ingrédients que de l’emploi social.

L’homme derrière cette vision globale s’appelle Luc De Coster. En tant qu’ingénieur agronome, il a travaillé dans le secteur privé et dans un ministère. Lorsque sa femme et lui ont dû faire face au lourd handicap mental de leur fils, ils ont décidé de créer un centre de jour pour enfants handicapés qu’ils ont baptisé Thylbert, ce qui signifie entre autres « riche en mouvements ». Au fil des années, Thylbert a subi effectivement des transformations en permanence. Au début, toute l’énergie était consacrée au centre de jour. « En assurer la bonne marche réclame un énorme investissement : il faut pouvoir compter sur des volontaires ou disposer d’une confortable somme d’argent », nous confie Luc. « Pour financer notre projet social, j’ai commencé à brasser la kombucha, une boisson chinoise. Pendant plusieurs années, nous avons accueilli des enfants, mais avec de fréquents changements de personnel et sans aucune perspective de reconnaissance par les pouvoirs publics. À un moment donné, les soins à prodiguer à notre fils sont devenus trop lourds et nous avons mis un terme au centre de jour. L’activité commerciale liée à la brasserie étant entretemps déjà relativement bien développée, j’ai osé franchir le pas et devenir indépendant complet. » Ceci étant, l’aspect social est demeuré bien présent, car pour la mise en bouteille et le conditionnement, Luc a toujours travaillé avec des personnes issues du circuit de l’assistance par le travail.

Mais comment avez-vous entendu parler de ce breuvage miracle ? « Quand ma mère a développé un cancer des intestins, un de mes amis lui a conseillé de boire de la kombucha pour atténuer les effets secondaires de la chimiothérapie et stimuler le processus de guérison. C’est ainsi que ma mère a commencé à en boire, puis cela a été au tour de toute la famille. » La kombucha est le résultat d’une fermentation non alcoolisée de thé vert et de sucre. Cette tradition, qui date d’avant notre ère, est répandue aux quatre coins de la planète. C’est essentiellement en Russie que de nombreuses recherches ont été effectuées, il y a quelques siècles, concernant son effet sur la santé. Outre ses nombreux atouts, la kombucha agit principalement comme un stimulant hépatique.

Pour sa part, Luc a préparé de la kombucha pour la première fois à l’occasion du marché de Noël organisé dans l’école Steiner de sa fille en 1994. Cela lui a donné l’idée de développer cette activité afin qu’elle puisse éventuellement aussi représenter quelque chose pour son fils. Après quelques années, Luc a présenté sa boisson à la grande distribution, mais ce n’est qu’en 2002 qu’il s’est focalisé à temps plein sur cette activité.

Outre ses propres variantes, telles que la kombucha Rooibos, Thylbert propose aussi d’autres produits : l’Aquakefir, la Vitonade, un ersatz de pain probiotique (Kiesjell) et des cosmétiques. Vu le peu d’entreprises occidentales maîtrisant la technique des processus de fermentation, c’est en autodidacte que Luc a acquis des connaissances en la matière. Cette tradition est préservée dans les pays orientaux et la fermentation in vivo fait actuellement rage en Amérique, mais l’Europe, elle, recourt de nos jours à d’autres techniques de conservation alimentaire. « La pasteurisation a relégué au second plan les anciens processus de fermentation. Il n’y a plus que quelques fabricants qui s’y intéressent, les produits fermentés ayant par ailleurs disparu du marché en raison du manque d’engouement pour la nourriture acide. Les informations que j’ai trouvées sur la production de la kombucha, je les ai combinées avec mes connaissances théoriques ; le reste, c’est juste une question de feeling. C’est dans la pratique que l’on découvre ce qui fonctionne bien et ce qui doit être rectifié. Il existe bien entendu une sacrée différence entre produire quelque chose pour soi et se lancer dans une production à grande échelle. Cela m’a pris un certain temps avant d’obtenir un bon produit facile à conserver. »

D’entrée de jeu, Luc a opté pour une qualité sans compromis : « À l’époque, pour travailler de façon bio, je ne pouvais utiliser que du sucre de canne ; or, la littérature considère uniquement le sucre raffiné comme approprié pour produire la kombucha. Mais je me suis assez rapidement rendu compte qu’il y a 2.000 ans, les Chinois devaient eux aussi travailler avec du sucre de canne. En redoublant d’attention, j’y suis également parvenu. Outre le bio, l’aspect équitable m’a aussi directement semblé particulièrement important. Petit, j’ambitionnais de travailler dans la coopération au développement, une aspiration qui s’est estompée lorsque j’ai rencontré ma femme et que mes enfants sont nés, mais qui refait surface à présent. Attendu que nous travaillons avec des produits exotiques comme le thé et la canne à sucre qui proviennent traditionnellement de pays à faible revenu, nous avons assez rapidement demandé et obtenu la labellisation Fairtrade. » Ses épices, Luc les achète auprès de Loca Labora, un autre projet d’assistance par le travail consacré à la culture locale de plantes aromatiques. Une constante se dégage de la philosophie de Thylbert : le commerce équitable, c’est bien plus que la vente et la transformation d’ingrédients équitables. Cela implique également une façon équitable de gérer le personnel, ainsi qu’un investissement dans l’emploi social, y compris dans sa propre région. « Mais cela demeure un mode de fonctionnement artisanal et, partant, onéreux. Grâce à notre collaboration avec des entreprises de travail adapté, qui à mes yeux représente une valeur ajoutée, nous sommes en mesure d’offrir au consommateur un produit artisanal abordable et de grande qualité. » Luc recherche par ailleurs à proposer des prix justes au consommateur en optant pour des grossistes et distributeurs qui ne prennent pas une trop grande marge bénéficiaire. Luc évalue en permanence les fournisseurs de matières premières et met tout en œuvre pour économiser l’énergie au niveau de la production et de la distribution. Grâce aux nombreux panneaux photovoltaïques installés sur son toit, Thylbert produit plus d’énergie qu’elle n’en consomme.

Thylbert approvisionne essentiellement l’horeca et les grossistes bios. « Pour l’heure, notre développement est plutôt axé sur l’exportation, malgré le fort potentiel toujours présent dans notre pays. Nos prix bas ne nous laissent que peu de marge pour le marketing ou la prospection ; nous vivons véritablement grâce au bouche-à-oreille. Malheureusement, les gens ne se mettent bien souvent en quête de produits sains que lorsqu’ils tombent malades, alors que ce serait bien plus efficace de façon préventive. Mais les magasins bios évoluent eux aussi vers un accroissement d’échelle : les produits alternatifs passent progressivement au second plan. » Luc résume l’évolution de ces dernières années de façon claire en ces termes : « Au début, les pionniers idéalistes du bio et de l’équitable conquéraient ensemble le marché via leurs propres débouchés. Il s’en est suivi une forte expansion qui a touché un plus large public, ce qui est certes une bonne chose. Toutefois, dans le même temps, les grandes entreprises en ont fait une histoire purement commerciale ». Il est alors devenu difficile pour les petits producteurs et les pionniers de préserver leur place.

Un autre phénomène interpelle Luc : la publicité pour les produits équitables vante essentiellement le « plaisir », l’aspect social semblant ne constituer qu’un petit atout supplémentaire, presque une excuse pour pouvoir augmenter encore le plaisir. Ce n’est pas franchement l’image qu’il cherche à véhiculer : « Nous nous efforçons d’assumer notre responsabilité et entendons faire comprendre à nos clients qu’eux aussi peuvent apporter leur pierre à l’édifice. Le message clé que nous souhaitons diffuser prône une économie sociale pour tous. Les acquis sociaux sont détricotés partout. Pour quel motif ? La faute à la crise. Mais une crise économique n’est pas un phénomène naturel, elle est le fait de l’homme. Chacun de nous a sa part de responsabilité dans cette évolution. Les grosses fortunes détiennent un pourcentage toujours plus conséquent du capital mondial et le fossé entre riches et pauvres ne cesse de se creuser partout dans le monde. Les décisions prises par l’actuel gouvernement engendrent des situations semblables à celles contre lesquelles nous luttons dans les pays en développement. Désormais, nous devrons non seulement protéger les pays pauvres des pays riches, mais aussi défendre, au sein de chaque pays, la population pauvre contre la population riche. C’est là un tournant qu’il nous faut prendre. »

Crédits photos : Thylbert 

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