L’an dernier, plus de 22 mille tonnes de produits à base de sucre ont quitté l’usine Candico de Merksem, près d’Anvers. Quelque 50 % d’entre eux étaient labellisés Fairtrade. Cette usine, qui emploie 78 personnes, emballe du sucre de canne importé via le port d’Anvers ; elle produit également du sucre candi.
Anvers connaît une longue tradition de production et de transformation du sucre. La Suikerrui (Canal au sucre) doit son nom à la bonne centaine de « confiseries » qui, au début du 16e siècle, s’établissent entre le quai et la Grand-Place. Les raffineries, dont la première remonte à 1508 à Anvers, épurent le sucre de canne brut et le transforment en sucre candi, un produit de luxe. Jusqu’au 19e siècle, la totalité du sucre est extraite à partir de la canne à sucre, produite dans des pays lointains. Durant les guerres napoléoniennes, un coup d’arrêt est donné à l’importation de produits d’outre-mer suite au blocus continental. C’est à ce moment que l’industrie sucrière s’est lancée dans la production de sucre de betterave.
Au fil des siècles, le nombre de candiseries diminue fortement à Anvers. En 1935, quatre raffineries décident d’unir leurs forces en créant la société Candico. « Aujourd’hui, nous utilisons la même recette pour notre sucre candi que les premières raffineries du 16e siècle, à la différence près qu’il est maintenant produit à base de sucre de betterave », nous confie Isabelle Roelandts, Communications & Governmental Relations Manager de la Raffinerie Tirlemontoise, dont fait partie Candico depuis 1969.
Pionnier
Candico propose des produits à base de sucre de canne et de sucre candi. Le sucre de canne est soit bio soit équitable. Lorsque le sucre de canne devient un produit labellisable Fairtrade en 2002, Candico est le premier à se lancer dans l’aventure. « Les pratiques commerciales équitables sont solidement ancrées dans nos relations avec les planteurs de betteraves », poursuit Isabelle Roelandts. « Il est important pour nous de nouer des relations durables avec nos planteurs, et ce, tant en Belgique qu’à l’étranger. Rechercher une situation win-win, tel est notre leitmotiv. »
« Lorsque nous avons pris la décision de commercialiser du sucre de canne labellisé Fairtrade, plusieurs paysans du Sud se sont fait certifier. Vu les bonnes relations que nous entretenions déjà avec certains d’entre eux, cela s’est passé comme sur des roulettes. Pour eux aussi, cette transition s’est avérée avantageuse dans le sens où elle a apporté des ressources financières supplémentaires à leur communauté. Une visite sur place nous a par ailleurs permis de nous rendre compte que le commerce équitable fait véritablement une différence pour les agriculteurs avec lesquels nous collaborons à l’île Maurice, au Malawi et en Zambie, par exemple. »
Indispensable
« Nous avons perçu une demande en faveur du commerce équitable, et ce, non seulement dans le chef du consommateur lambda, mais aussi de l’industrie. Dès lors, le sucre équitable, un des principaux ingrédients du chocolat équitable, s’avère indispensable aux producteurs », ajoute Isabelle Roelandts. « Notre gamme équitable a été lancée en 2002 et le succès a été au rendez-vous. Les ventes ont progressé d’année en année et sont maintenant stables depuis quelques années. Certaines personnes sont manifestement en quête du label Fairtrade ou bio. »
En 2008, l’ensemble de la gamme de produits à base de sucre de canne de Candico a été certifié Fairtrade. Deux ans après, Candico a lancé une nouvelle gamme à base de sucre de canne bio. « Force nous est de constater que le bio et l’équitable séduisent deux groupes de consommateurs différents. Dans le cas du sucre de canne bio, c’est essentiellement l’aspect écologique qui importe pour le consommateur. Le processus de certification Fairtrade inclut également des critères écologiques, mais les consommateurs associent l’équitable plutôt à l’aspect social. »
L’aventure équitable
Depuis 1989, la Raffinerie Tirlemontoise est membre du groupe allemand Südzucker. « Nous nous efforçons d’ancrer l’équitable non seulement au sein de Candico, mais aussi de l’ensemble du groupe Südzucker », affirme Isabelle Roelandts. « Le sucre de canne Fairtrade de la marque Candico n’est disponible qu’en Belgique et au Luxembourg, mais nous en commercialisons aussi pour le compte d’autres membres du groupe, sous leur propre marque. Au départ, chez Candico, une personne s’occupait à plein temps des contacts avec Fairtrade International et les paysans du Sud, ainsi que de leur transition vers le bio ou l’équitable. Depuis, elle a pris sa retraite et tous les contacts avec les acteurs équitables se font à présent au niveau du groupe. »
Dans les pays où sont cultivées les cannes à sucre, les cultivateurs sont réunis en coopératives qui livrent leurs récoltes à une usine. « La canne à sucre y est pressée pour en extraire une sorte de jus », explique Isabelle Roelandts. « Celui-ci est ensuite cristallisé par cuissons successives. En s’évaporant, l’eau cède la place à un sirop toujours plus épais dont la centrifugation permet de séparer les cristaux de sucre et l’eau. Le même procédé de production s’applique au sucre de betterave. Le sucre de canne, qui arrive en vrac au port d’Anvers, est conditionné pour sa majeure partie dans notre usine de Merksem, une petite partie étant encore raffinée pour obtenir du sucre de canne blanc. »
1 euro par an
L’an dernier, la Raffinerie Tirlemontoise a vendu 165 produits différents sous la marque Candico, dont 34 références de produits labellisées Fairtrade. « Un paquet de sucre de canne d’un kilo porte une autre référence qu’un paquet d’un demi-kilo. Pour le commerce au détail, nous proposons une gamme limitée comprenant des morceaux de sucre, du sucre de canne ordinaire et du sucre de canne blanc, tandis que nous livrons d’autres produits encore à l’industrie. »
Bien souvent, le sucre de canne équitable est légèrement plus cher que le sucre de canne ordinaire. « Mais la différence de prix est minime. Nous avons calculé qu’un consommateur qui boit trois tasses de café par jour avec, à chaque fois, un seul morceau de sucre de canne équitable paie moins de 1 euro de plus par an. Vu le surcoût dérisoire, opter pour le commerce équitable s’avère donc un choix logique. »