Installée au cœur de l’environnement boisé d’ Heusden-Zolder, Ana Kindermans conçoit dans son atelier des bijoux réalisés en or équitable. Ana fait figure de pionnière : elle est en effet la première créatrice belge à avoir opté pour de l’or produit de façon équitable.
C’est en Amérique latine qu’Ana a attrapé le virus de la création de bijoux. « À l’époque, alors que je recherchais un nouveau défi à relever et m’envolais pour un stage au Nicaragua, une amie m’a offert du matériel pour créer des bijoux. Elle savait que j’allais beaucoup en rencontrer là-bas et pensais que je pourrais apprendre de nouvelles choses. En quête d’une solution alternative au fil utilisé pour les boucles d’oreilles, mais auquel bon nombre de personnes sont allergiques, je me suis retrouvée dans un atelier regroupant des forgerons de différents pays. Je n’avais pas la moindre idée s’ils pouvaient faire du fil, mais avant que j’aie eu le temps de dire ouf, l’un d’entre eux avait commencé à tirer un fil d’un bloc d’argent. Fascinant ! J’ai eu la chance de pouvoir travailler un mois durant dans cet atelier. De retour en Belgique, je savais parfaitement ce que je voulais faire ; je me suis donc lancée immédiatement dans une formation en orfèvrerie. »
Ana a peu à peu développé son activité : « Ce que je trouve chouette, c’est que les clients viennent parfois simplement pour des bijoux et qu’ils repartent avec de l’or équitable. Certains d’entre eux ne savent même pas ce que cela signifie. Une partie de la clientèle fait le choix délibéré d’acheter équitable ; ils viennent parfois de loin. D’autres viennent spécialement pour mes créations, et j’espère qu’ils considèrent comme une plus-value le fait que je travaille uniquement avec de l’or équitable. »
À la recherche d’un fournisseur
Au début de sa carrière, Ana travaillait encore à temps partiel dans des ONG telles que Vredeseilanden et Max Havelaar. Elle avait bien conscience de la problématique dans les mines, mais se sentait tiraillée : « Je créais de belles choses pour des moments privilégiés, mais je travaillais dans le même temps avec une matière première extraite dans de bien moins belles conditions. » Lorsqu’elle a entendu parler d’or équitable chez Max Havelaar, cela a tout de suite piqué sa curiosité et elle s’est mise à suivre de près les évolutions. L’or équitable a finalement fait son apparition sur le marché en Grande-Bretagne, puis aux Pays-Bas, mais en obtenir en Belgique n’était pas vraiment une sinécure. Ana faisait déjà des achats auprès d’un grossiste néerlandais et, fort heureusement, celui-ci s’est aussi lancé dans l’aventure équitable. Un autre défi de taille s’est ensuite posé : obtenir le label Max Havelaar pour ses bijoux. « Cela n’a pas été une mince affaire, comme j’étais la première en Belgique. Les démarches ont pris une année environ. »
À l’heure actuelle, il n’y a toujours pas de fournisseur d’or équitable en Belgique. Ana achète toujours son or chez un grossiste hollandais qui le commande chez Oro Verde, une coopérative certifiée de Colombie. Toujours en quête d’un mode de vie plus durable, Ana est satisfaite de ce label : « Ce n’est pas tellement un choix d’ordre économique ; si vous ne le faites pas avec conviction, mieux vaut arrêter. Vous payez plus pour l’or, le processus de certification coûte un pont et je ne parle même pas de la paperasserie. Mais c’est mon truc. » Ana n’a pas fait le choix du commerce équitable pour proposer ‘quelque chose de différent’. « Bien sûr, il faut aussi que des gens entrevoient un créneau dans le marché, mais pour moi, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Pour le moment, d’un point de vue commercial, cela ne vaut pas la peine de se lancer dans l’aventure. »
L’ensemble de la filière doit suivre
Ana collabore également avec Catapa, une organisation qui sensibilise la population à la problématique de l’exploitation minière. Lorsqu’elle a entendu parler de leur projet GOUD:EERLIJK? à Gand, elle a entamé des discussions avec la commune de Heusden-Zolder dans le Limbourg, discussions qui ont débouché sur un projet avec de nombreux partenaires. Grâce à ses bonnes relations avec Catapa, Ana a été par la suite conviée à une réunion à Londres avec les responsables sud-américains de mines. Ils ont abordé l’avenir et les problèmes liés à l’extraction d’or équitable. Ce qu’Ana en a essentiellement retenu, c’est que seul un faible pourcentage du minerai extrait peut être vendu à des conditions équitables, alors que la mine dans son ensemble doit satisfaire aux différents critères. Les exploitants miniers ont consenti de lourds investissements dans cette optique et ils s’attendent donc à un chiffre d’affaires plus conséquent. « Et c’est bien dommage, car si les mines ne vendent pas suffisamment d’or équitable, elles vont jeter l’éponge. »
Aussi, Ana juge particulièrement important qu’arrivent sur le marché des créateurs de bijoux qui se font certifier et qui optent pour l’or labellisé Fairtrade : « Force m’est de constater que ce n’est pas là une priorité pour Fairtrade Belgium (anciennement Max Havelaar), mais bon, ils ne peuvent pas être sur tous les fronts. Je crains toutefois que cela ne compromette l’avenir de ce type de commerce équitable. Quelqu’un devrait prendre ce problème à bras-le-corps et analyser en profondeur les rouages du secteur aurifère, le trajet depuis la matière première jusqu’au produit fini, les intermédiaires. Ma filière est très courte : j’achète de la matière première et je la transforme en produit fini, mais la plupart des bijoutiers achètent des produits semi-finis ou créent des moules qu’ils utilisent plusieurs fois par la suite. Si vous voulez atteindre un chiffre d’affaires plus élevé avec de l’or équitable, il faut investir dans la certification des fonderies. »
Ana se heurte fréquemment à une montagne de paperasse. « En ma qualité d’orfèvre, je souhaite avant tout travailler dans mon atelier. En plus de ma comptabilité, je me débats à présent aussi avec des tas de démarches administratives pour Fairtrade Belgium. Quel dommage que l’idéologie du commerce équitable se traduise pour moi par tout un système de contrôle sur papier et bien peu de soutien au niveau du contenu ! Dans sa conception actuelle, tout reste bloqué au niveau des orfèvres comme moi, mais, avec mon demi-kilo d’or par an, je ne fais pas vraiment la différence pour ces mines certifiées. Un chiffre d’affaires plus conséquent est absolument nécessaire. Il faut que davantage d’acteurs se lancent dans l’aventure de l’or équitable pour que ce dernier puisse se faire une place sur le marché. À l’instar des bananes équitables qui ont gagné leurs galons dans les rayons des supermarchés. »
Et l’écologie dans tout cela ?
S’il reste beaucoup à faire pour améliorer les conditions de travail dans le secteur minier, la pollution environnementale est tout aussi problématique. L’or est majoritairement extrait à l’aide de mercure et de cyanure. « Par contre, pour l’extraction d’or équitable, une attention toute particulière est accordée à l’aspect environnemental en limitant notamment l’utilisation de mercure et de cyanure de même qu’en récupérant et recyclant l’eau polluée. Je trouve cela très bien et peut-être même plus important encore qu’un ‘salaire décent’. À quoi cela vous avance-t-il en effet d’avoir de l’argent si le sous-sol est pollué, s’il n’y a plus d’eau potable, si les animaux tombent malades… »
« Notre montagne de déchets vaut une petite fortune. L’or contenu dans 200 GSM suffit à produire une nouvelle bague en or. À mes yeux, il est très important de miser sur le recyclage et la conscientisation de nos propres mines d’or. Je donne d’ailleurs des formations à cet égard avec Catapa. Lors du Dag van de Ambachten (La Journée de l’Artisan), les visiteurs ont pu visiter l’atelier et nous leur avons donné des informations sur la problématique de l’exploitation minière dans le Sud et l’importance du recyclage. »
Ana met toujours la barre plus haut et déborde d’idées. Vu que bien souvent, ses clients viennent de loin – comme ce couple de Poperinge venu récemment choisir ses alliances –, Ana est en train d’élaborer un arrangement à la fois durable et local. En font déjà partie : B&B moka&vanille, le négociant en vins ‘maison simple’, un boulanger artisanal, cc Muze et Ana Edelsmid. Les clients peuvent visiter l’atelier, commander un bijou, manger un petit bout, faire une dégustation de vin équitable, profiter de la culture et passer la nuit dans un B&B au beau milieu de la nature.
Un petit weekend à deux pour demander votre partenaire en mariage et choisir dans la foulée une bague unique, qu’y a-t-il de plus romantique ?
Ana Edelsmid
Champert 53
3550 Heusden-Zolder
0496 957 753
an.kindermans@ana-edelsmid.be
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Dans l’ouest de l’Ouganda, dans le district reculé de Busia, plus de 600 paysans s’efforcent d’arrondir leurs maigres revenus grâce à l’extraction de l’or. Un dur labeur dans des galeries minières creusées par les paysans eux-mêmes et qui leur rapporte bien peu, car soumis à des courtiers peu scrupuleux. De surcroît, cette activité est extrêmement polluante. Avec l’appui du TDC, SAMA, une organisation de mineurs, a pu améliorer sa gestion, développer des techniques de production plus durables (sans mercure) et améliorer son accès au marché.
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