Créée en 2005, l’association Tamadi, qui a ses bureaux à Floreffe, vise le développement rural à travers un tourisme alternatif, basé sur l’immersion dans le quotidien des villages et la rencontre. Dans ce contexte de tourisme rural, les associations paysannes sont le plus souvent associées à l’organisation du voyage.
« A l’origine, c’est d’une rencontre avec Faliry Boly, le leader malien d’une organisation paysanne, qu’est née Tamadi. Nous avions envie de rencontrer du monde », raconte Benoît Dave, le secrétaire de l’association. Quoi de plus normal pour ce chercheur en sociologie spécialisé en coopération et développement, et plus spécialement sur les pratiques paysannes ?
L’association est résolument tournée vers le monde paysan. Dans tous les pays dans lesquels elle travaille, les organisations partenaires sont engagées dans des actions de changement social avec les populations rurales : défense des petits exploitants, organisation de formations agricoles, sauvegarde du patrimoine local, gestion de coopératives de production ou de transformation, luttes pour l’accès à la terre, etc.
L’association est née en 2005 et va bientôt fêter ses dix ans. Aujourd’hui, Tamadi propose plusieurs circuits en partenariat avec des organisations paysannes et culturelles dynamiques sur sept destinations différentes : la Turquie, Madagascar, l’Inde, la Tunisie, la Tanzanie, le Mali et le Sahara occidental.
En immersion
Tamadi et ses partenaires font le pari de l’immersion en privilégiant l’utilisation des transports locaux et l’hébergement chez l’habitant. Les voyageurs, en groupe de quatre à huit personnes, sont accompagnés par un membre francophone de l’organisation partenaire. Le séjour le moins cher, une semaine dans le village berbère de Zammour (Tunisie), est proposé au prix de 550 euros pour 8 jours, hors avion. Et le circuit le plus cher, qui combine deux parcs nationaux tanzaniens et un séjour à Zanzibar, revient à 1.350 euros pour 22 jours (toujours hors avion).
En quoi Tamadi est-elle différente des autres organisations de tourisme ? Pour Benoît Dave : « Tamadi se démarque d’abord en travaillant avec des partenaires qui ne sont pas des partenaires habituels du tourisme : des organisations paysannes qui, point de vue importance, sont bien plus grandes que Tamadi. Ensuite, nous signons des conventions économiques avec nos partenaires : nous ne sommes pas dans le caritatif. Il n’y a aucune participation solidaire. Nous fixons les prix ensemble et tout le monde est rémunéré correctement : les familles accueillantes, les guides et les organisations. Enfin, il s’agit d’un vrai partenariat : nous construisons ensemble le circuit et le budget pour les voyageurs ; et quand nous parlons de partenariat, cela veut dire qu’il n’y a aucune dépendance de l’un par rapport à l’autre. Dans nos conventions, on répartit le montant payé par le voyageur comme suit : 70 % pour le partenaire et 30 % pour Tamadi, pour rémunérer notre rôle de communication et de coordination ».
Le printemps de Zammour
Pour preuve de la solidité de ce partenariat, en mars 2013, Tamadi a réuni l’ensemble de ses partenaires pendant pratiquement une semaine à Zammour, un village berbère promu par l’association, en Tunisie. Les buts de cette rencontre ? Mieux se connaître, échanger les expériences, réfléchir aux objectifs communs et à la gouvernance de l’association. « Davantage que cela, l’idée de Zammour est surtout d’aller plus loin dans le partenariat en intégrant les partenaires dans l’association », ajoute le secrétaire de Tamadi. Presque tous étaient présents. Seuls manquaient les Sahraouis et les Indiens, pour une question de visa.
La rencontre fut fructueuse, avec au final, une nouvelle charte pour l’association et de nouvelles idées. « Ça a bien palabré », dit en souriant Benoît Dave. Trois groupes de travail ont été mis sur pied pour développer ces idées. Le premier a trait à la nouvelle gouvernance de l’association. Le deuxième concerne la mise en place de nouveaux circuits thématiques : les semences, les femmes, l’agriculture bio, etc. Le troisième met en place la mutualisation des expériences et des formations croisées. C’est ainsi que des Indiens et des Malgaches vont former des Tanzaniens à l’accueil des voyageurs.
Instabilité politique et pérennité financière
Un an après ce « printemps de Zammour », la dynamique est toujours là : une réunion via Skype réunit chaque mois les coordinateurs du projet tourisme de chaque organisation partenaire et la directrice de Tamadi.
De la dynamique et une bonne organisation, il en faut, pour faire face aux difficultés rencontrées par l’association. A commencer par l’instabilité politique dans certaines régions, à cause de laquelle les voyages au Mali et au Sahara occidental ont dû être suspendus. Ils reprendront dès qu’il n’y aura plus de danger. Même la Tunisie a pu présenter un danger à une certaine époque.
Ensuite, il y a l’aspect financier. La pérennité financière n’est en effet pas garantie : pour payer les frais de l’association (entre autres les emplois), il faut pouvoir compter sur plus de 300 voyageurs par an. « Or, nous en sommes à 220 actuellement », confie Benoît Dave.
Des voyageurs impliqués dans l’association
« Nous avons une légitimité vis-à-vis des paysans, non seulement grâce aux revenus, partagés équitablement, mais aussi parce que nous mettons les moyens : à Madagascar, par exemple, notre projet occupe une personne à temps plein. De plus, tous ont conscience du côté spécial du contact : il y a une vraie curiosité et de vraies relations. C’est notre vision du tourisme : il faut une relation équilibrée et être humble dans la rencontre.»
Le dynamisme de Tamadi s’est étendu aux « clients » de l’association : ils sont invités à partager leurs expériences, que ce soit sur le site de l’association ou via des réunions « palabres ». « Les voyageurs s’impliquent énormément dans l’organisation et pas mal d’entre eux sont devenus membres, ou même administrateurs. Nous sommes une vraie association », se réjouit Benoît Dave. Une association franco-belge, qui plus est, puisque tant au niveau des membres que des administrateurs, on compte à peu près autant de Français que de Belges. Il y a d’ailleurs un bureau de Tamadi à Nantes, en plus de celui de Floreffe.