Il y a cinq ans, Nancy De Poorter ouvrait une boutique de cadeaux assortie d’une boutique en ligne à Zammel, à proximité de Geel. C’est lors de son travail comme volontaire dans le Wereldwinkel de Westerlo, axé plutôt sur l’alimentation, qu’elle se découvre une passion pour les cadeaux produits de façon équitable. Meer dan Mooi a connu une évolution assez rapide pour passer d’un magasin de ventes de cadeaux équitables et d’objets de décoration intérieure à une boutique de vêtements équitables où l’aspect bio prend aussi toute son importance.
Alors qu’initialement, Nancy ne voulait pas entendre parler d’un magasin d’habillement, elle propose à présent même une gamme de vêtements pour hommes et enfants. Pourquoi ce revirement ? « Je trouvais tellement peu souvent de beaux vêtements équitables pour moi-même que j’ai finalement décidé de me lancer personnellement dans l’aventure. Parfois même, je dois me retenir. J’ai ainsi une fois vu une très jolie boîte à thé, mais bon, il faut alors aussi vendre du thé. Et après le thé, il faudra aussi proposer du café. Je ne veux pas non plus vendre de chaussures ni de soutiens-gorge ; pour moi, c’est un métier à part. Mais bon, je change parfois d’avis, comme pour les vêtements. »
C’est ainsi que l’offre s’est peu à peu étoffée dans cette petite, mais ô combien agréable boutique. Aujourd’hui, on y trouve des foulards chamarrés en soie sauvage du Vietnam, des sacs d’Inde, intemporels en cuir écologique tanné, de jolies boucles d’oreille de Colombie et des bracelets en argent sertis de pierres précieuses du Népal, ainsi que des tenues décontractées en coton bio portant le label Max Havelaar. Ce dernier est le label le plus connu, mais il y en a d’autres. Tous les vêtements sont certifiés GOTS, un label octroyé aux textiles produits de façon écologique et dans le respect de certains critères sociaux. Si certains foulards sont fabriqués en coton non bio, ils le sont conformément aux principes du commerce équitable ; pour les vêtements, il s’agit toujours d’une combinaison des deux labels.
Nancy a étudié la psychologie et occupait un emploi de bureau tout ce qu’il y a de plus classique dans une vie antérieure. Elle n’avait jamais rêvé d’avoir sa propre affaire : « Je voulais simplement stimuler le commerce équitable, aider le plus grand nombre possible de producteurs aux quatre coins du monde. Avoir ma propre affaire n’était pas un but en soi, mais plutôt un moyen pour parvenir à mes fins. » Sa mission consiste à faire connaître les vêtements équitables et bio auprès d’un plus large public. Et sur ce plan, elle rencontre encore et toujours des préjugés tenaces, du style « S’habiller avec des vêtements équitables ? Autant enfiler un sac de jute ! ». Les gens se font bien souvent une idée préconçue des vêtements équitables et bio ; du coup, ils sont assez surpris par la beauté des créations. C’est aussi la raison pour laquelle Nancy choisit ses articles avec soin : « J’opte pour un style pas trop alternatif et j’évite les bijoux typiquement népalais ou encore les masques africains. Les bijoux thaïlandais ornés de fleurs que je propose à la vente sont certes tout à fait typiques de ce pays, mais ils sont plus sobres. »
Oser se jeter à l’eau
Grâce à sa boutique Meer dan Mooi, Nancy espère aussi attirer un autre public que les aficionados du commerce équitable. C’est la raison pour laquelle elle organise des évènements, comme le défilé de mode annuel ou encore un atelier nouage de foulards, qui lui permettent de toucher un autre public. Le défilé de mode étant à 100 % fair trade et bio, c’est donc aussi le cas du maquillage, des chaussures et des coiffures.L’organisation de ce défilé de mode lui a appris une chose essentielle, à savoir qu’il ne faut jamais se considérer comme un petit acteur du marché : « Lorsque mon partenaire pour les chaussures s’est soudain désisté, je me suis jetée à l’eau et j’ai appelé Torfs. Ils ont tout de suite été disposés à me prêter leurs chaussures en cuir écologique tanné. Grâce à cette collaboration, Torfs a même décidé de braquer dorénavant les projecteurs sur les écomarques. J’en apprends encore chaque jour ; ainsi, il y a bien plus de marques avec des objectifs caritatifs ou qui s’occupent de recyclage que vous ne le pensez. » Et pourtant, l’organisation de ce genre de défilé de mode réclame énormément de travail : « Il ne suffit pas d’échafauder un plan b ou c, mais bien deux fois l’alphabet en entier. » Cela en vaut cependant la peine.
« Bon nombre de mes clients n’avaient encore jamais sciemment acheté de produits équitables. Les gens du coin viennent dans la boutique pour acheter des cadeaux et des bijoux, comme la collection de fleurs de Thaïlande, unique en Belgique. Pour ce qui est des vêtements, nous avons plutôt des clients originaires d’Anvers, de Louvain ou de Hasselt, vu l’offre très réduite en Flandre. Il existe certes des boutiques en ligne, mais les clients préfèrent essayer les vêtements. Ce sont précisément ceux, qui achètent des produits équitables et bio, qui jugent important de toucher les étoffes. »
Et ici, le client est roi. Que vous n’achetiez qu’un petit quelque chose ou que vous vous contentiez de regarder les articles, vous serez toujours bien accueillis et bénéficierez gratuitement de conseils équitables. Pour Nancy, le contact avec la clientèle est particulièrement vital, en premier lieu, dans la boutique même, mais très certainement aussi via Facebook. Régulièrement, les abonnés à la page ont la chance de participer à la sélection des articles de la boutique : ils décident s’ils veulent ou non des combi-pantalons, quelle couleur sera commandée pour un article en particulier, ou bien ils ont l’opportunité de tester des sous-vêtements et d’exprimer leur opinion en toute franchise. Avant de se lancer dans les vêtements pour hommes, Nancy a réalisé une petite enquête qui a révélé que les hommes ne voulaient pas d’impressions ou de logos sur leurs vêtements, et que ces derniers ne pouvaient pas non plus être trop moulants.
Sélection stricte
Nancy repère elle-même les fournisseurs sur Internet avant de les démarcher. « C’est là une véritable quête. Si je trouve un article qui me semble valoir la peine, je commence à me renseigner : quelles sont les conditions, quel est le niveau qualitatif ? Cela n’a pas de sens s’il s’agit uniquement d’un beau projet, qui ne tient la route qu’une semaine. Ou si le produit est bio, mais qu’il est fabriqué par des enfants. Il doit être de bonne qualité, beau et abordable. Si vous proposez à quelqu’un deux colliers similaires au même prix, l’un équitable et l’autre non, personne ne va choisir le non équitable. Mais bon, il faut aussi que le choix soit suffisamment large et surtout au goût du client. Ce dernier n’achète en effet pas un article pour soutenir un projet, pour ensuite le remiser dans son armoire. »
Pour Nancy, il est important de travailler avec un importateur : « Il est impossible de travailler en ligne directe à l’échelon mondial. Si je devais visiter des ateliers dans des pays où le travail des enfants est normal, ils m’assureraient qu’ils ne travaillent pas avec des enfants. Dès que le contrat a été signé, je perds tout contrôle. Je fais donc confiance aux importateurs avec lesquels je collabore, car cela fait des années déjà qu’ils entretiennent des relations avec les mêmes producteurs. Ils veillent de même à la qualité : lorsqu’un produit n’est pas conforme, vous pouvez le leur renvoyer. Je serais bien naïve de croire que je pourrais faire tout cela moi-même. En Occident, il y a aussi tellement de choses que nous trouvons évidentes : c’est par exemple une catastrophe lorsque deux boucles d’oreilles ne sont pas identiques, alors que ce n’est pas le cas pour les producteurs locaux. Et essayez donc de leur expliquer que chaque pièce de vêtement d’une certaine taille doit être identique ! »
Un petit pas pour l’homme…
Pour Nancy, le commerce équitable est un mode de vie. Elle opte donc sciemment pour une alimentation et des produits équitables, par respect pour les personnes qui les réalisent. « Le commerce équitable, de bonnes conditions de travail, c’est là un idéal. Je ne pense pas qu’il puisse jamais être atteint à l’échelon mondial, mais chaque petit pas compte. Si, dans une région où le travail des enfants est monnaie courante, vous parvenez, dans une famille de quatre enfants, à ce que deux travaillent et deux aillent à l’école, vous avez fait un pas dans la bonne direction. C’est ainsi que tourne la planète. Les choses évoluent peu à peu. En tant que consommateur, vous êtes toutefois en mesure de faire la différence : si, pour tous vos achats, vous regardez toujours au préalable s’il n’existe pas de solution alternative, cela signifie que vous avez au moins conscience de la problématique. Lorsque vous achetez un article non équitable, comme une veste en cuir made in Bangladesh, essayez donc de vous représenter la personne qui l’a confectionnée. »
Qui dit commerce équitable ne dit pas seulement production équitable ; il en va aussi d’une forme de commerce respectant un tout autre principe. Mais il va de soi que cela demeure du commerce. « Si chaque commerçant changeait un tout petit peu sa façon de travailler, cela se traduirait déjà par un monde meilleur. Quand on sait que les coûts salariaux représentent à peine 2%du prix, on serait amené à en déduire que les grandes sociétés partagent un pourcentage plus important de leur marge bénéficiaire avec le producteur, alors qu’il est encore et toujours rogné. Le producteur pourrait facilement obtenir une meilleure rétribution, sans que le prix du produit ne soit beaucoup plus élevé. Et si les grandes marques de vêtements arrêtaient de travailler avec des producteurs “inéquitables”, tout le monde achèterait forcément des produits équitables. » Ce serait là, en effet, un grand pas pour l’humanité.