Fair Trade Connection: Parce que les producteurs ont des histoires à raconter

Une agence de communication spécialement dédiée au commerce équitable qui propose à la demande des photos, des vidéos, du conseil et des formations en marketing, axée tout particulièrement sur les réseaux sociaux ? Il fallait y penser. Ronny Hermosa l’a fait.

Difficile de choper Ronny Hermosa pour une interview. Cet éternel voyageur, amoureux des rencontres, est perpétuellement en voyage, s’amusant à sauter d’un pays à l’autre, voire d’un continent à l’autre, au fil des contrats qu’il conclut avec les producteurs équitables qu’il a envie de filmer.

En 2012, par exemple, il passe de l’Inde au Bangladesh, puis en Thaïlande, en Indonésie, saute par-dessus le Pacifique via Sydney pour atterrir au Chili et de là, en Argentine, en Equateur et au Costa Rica, avec à chaque étape, une visite ou carrément un séjour chez un acteur du commerce équitable ou du développement durable.

« C’est la seule manière que j’ai de rentabiliser mes voyages, explique-t-il. Les entreprises de commerce équitable ont généralement peu d’argent à consacrer à la production d’une vidéo. Je dois donc m’adapter et maximiser mes déplacements. » En 2011, Ronny  a créé Fair Trade Connection, une agence de communication (associative) spécialisée dans le commerce équitable, avec la production de vidéos et de contenu de médias sociaux, auquel s’ajoute un volet de formation à la communication. Ses clients sont aussi bien de petits producteurs que les grands réseaux de distribution (équitables, évidemment).

De Blankenberge à Chiangmai

Comment cet ancien étudiant en sciences économiques, spécialisé dans la coopération au développement, en est-il arrivé là, lui qui n’avait jamais touché une caméra avant de se lancer dans l’aventure ? A la sortie de ses études, il effectue un stage chez Oxfam-Magasins du Monde. On l’assigne à la campagne Vêtements propres, une campagne en faveur de l’amélioration des conditions de travail dans le secteur textile des pays en développement. « A la fin de mon stage, je voulais continuer à travailler chez Oxfam. Je suis donc devenu magasinier dans leur entrepôt. Puis, une opportunité s’est présentée : on m’a chargé de  préparer la conférence mondiale de WFTO de 2007 qui avait lieu à Blankenberge. »

Décidé à rester dans le secteur, il mûrit longuement son projet. Il se dit que les petits producteurs ont également besoin de se vendre, de se mettre en avant, afin de pouvoir mieux convaincre les acheteurs. Avec un ami, il part en Thaïlande réaliser un film pilote sur Thai Tribal Crafts, une organisation qui procure du travail aux tribus – Mongs, entre autres – dans le nord du pays. Il apprend les techniques de tournage et de montage sur le tas. Une fois terminé, son film en main, il  retourne chez Oxfam-Magasins du Monde. Il leur propose de réaliser un tour du monde et de tourner des vidéos sur leurs fournisseurs. En 2011, l’ONG lui confie la réalisation de petits portraits de deux de ses principaux fournisseurs en Inde et d’autres contrats dans six pays différents.

Des formations très accessibles

Ronny et son collègue voyagent léger, avec comme matériel de base, outre leur ordinateur, un Canon 70D et une ‘pocket cam’. Tout ce qu’il faut pour faire de la bonne image. Ils séjournent en général entre sept et dix jours à chaque étape, ce qui leur permet de réaliser – en moyenne – trois vidéos de trois minutes environ et une dizaine d’interviews. Le montage leur prend deux jours de travail. Ceux qui connaissent la production vidéo devinent que les voyages de Fair Trade Connections ne sont pas vraiment de tout repos…

Après la conférence WFTO d’Arusha (Tanzanie) à laquelle il a encore participé, en 2013, Ronny s’est autorisé un break de six mois à Barcelone. « J’ai eu envie de me poser un peu. Et j’avais aussi en tête de créer un autre projet, une start-up basée sur les nouvelles technologies. » Si ce projet n’a pas été couronné de succès comme il l’espérait, au moins lui a-t-il procuré une certaine expertise dans le domaine.

Une expertise qui lui sert lorsqu’il reprend Fair Trade Connection : « J’ai beaucoup appris sur le web et les médias sociaux. Aujourd’hui, non seulement je réalise des vidéos ou des sites web, mais je propose aussi des formations au ‘social marketing’, aux blogs et bien sûr, à la production visuelle. » Ses prix sont à la mesure des moyens des acteurs du commerce équitable : un atelier d’une journée aux médias sociaux, par exemple, est proposé à un prix mini. Ces petites formations ont pour but de professionnaliser davantage les commerces, les fédérations ou les producteurs qui sont ses clients. « Les formations sont très accessibles. Elles sont adaptées à la réalité et aux demandes des producteurs. Il suffit parfois juste d’enseigner quelques trucs et astuces. »

Si les gros acteurs jouent le jeu…

Ronny, qui se considère aujourd’hui comme bien calé en video-marketing, veut partager son expertise. L’un des nouveaux projets de Fair Trade Connection,  sur lequel il travaille depuis deux ans, c’est de faire parler les produits via les QR codes : en scannant le QR code d’un produit avec son smartphone, le consommateur pourrait, par exemple, être renvoyé vers une petite vidéo d’une minute présentant le producteur. « L’important, c’est de raconter une histoire. Les gens sont soucieux de connaître l’histoire qu’il y a derrière le produit qu’ils achètent. »

Toujours en quête de nouvelles potentialités pour faire connaître le commerce équitable et assurer en même temps la viabilité de Fair Trade Connection, Ronny a développé une nouvelle idée : partager ses expériences de voyage avec les internautes. « Il s’agit de ‘video blogging’, un peu dans le style des émissions ‘J’irai dormir chez vous’ ou ‘Pékin Express’. Toutes les semaines, je tourne et monte au moins un épisode vidéo – aussitôt mis en ligne – sur les gens que j’ai rencontrés ou les entreprises équitables que j’ai découvertes. Je vise plus de 20.000 ‘followers’ sur Facebook et sur notre plateforme YouTube.» Pour cela, l’idéal serait de trouver un gros sponsor ou de faire appel au financement participatif.

Fair Trade Connection commence à se faire un nom dans le milieu. Parmi ses clients, Ronny Hermosa compte les Magasins du Monde, WFTO, FairTrade Belgium (ex-Max Havelaar), Fair Trade Original et de nombreux producteurs. Au fil des voyages, Fair Trade Connection accumule les vidéos et photos en haute définition, des images qui sont également proposées à la vente sur le site de l’association. L’ASBL  occupe aujourd’hui deux temps pleins. « Dans le monde du commerce équitable, à ma connaissance, nous sommes les seuls à proposer ce genre de services. Habituellement, les vidéos produites dans le secteur sont tournées soit à l’aide d’un smartphone, soit par une agence de pub qui est davantage habituée à un style corporate. »

Au-delà de l’enthousiasme de son fondateur, une agence de marketing et de communication spécialisée dans le commerce équitable peut-elle être elle-même durable ? Pour le moment, le mode de vie de Ronny Hermosa, relativement peu exigeant et toujours sur la route, lui permet d’en vivre. « Mais une telle agence peut être parfaitement viable. Il y a une demande du secteur pour ce genre de communication et de formations. Il suffit que les gros acteurs du secteur jouent le jeu », précise Ronny, tout à fait lucide. Les nouvelles technologies de l’information, à la portée de chacun ayant accès à une connexion internet, ont tout pour séduire  les entrepreneurs du développement durable.

© Fair Trade Connection & Ronny Hermosa
Interview par Alain De Bast – juin 2014
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