C’est à quelques mètres à peine de la gare de Leuven que vous pouvez réserver, à l’agence de voyages Reispunt, le voyage de vos rêves, et déguster juste après un « petit noir » équitable au point café Fair Trade adjacent. Si l’agence de voyages propose littéralement des formules pour tous les goûts, ce sont surtout les voyages nature de Tierra qui sautent aux yeux dans la brochure imprimée à l’encre végétale.
Tierra a vu le jour il y a vingt ans, dans le but de combler un vide dans l’offre des agences de voyages de l’époque. Le fondateur et responsable, Willy Paquay, nous raconte l’histoire de cette organisation : « À l’époque, aucun tour-opérateur n’organisait de voyages nature. Comme il n’était alors pas nécessaire de posséder de licence, nous avons entamé nos activités en tant qu’ASBL, en collaboration avec une autre agence de voyages. Notre partenaire vendait nos voyages et nous nous chargions de leur promotion et de leur organisation. » En ce temps, l’offre de Tierra se composait de petits week-ends thématiques, en partenariat avec la revue Feeling, sur les ‘Bruits de la forêt’. « Et le seul mot d’ordre était l’expérience de la nature : pénétrer dans la forêt en pleine nuit et écouter tous les sons audibles. »
« Au fil du temps, les week-ends ont progressivement évolué, en collaboration avec Wielewaal, le futur Natuurpunt, vers des voyages en Europe et vers des destinations lointaines. D’entrée de jeu, Tierra s’est chargée des voyages de groupes à la découverte des oiseaux et de la nature aux quatre coins du monde pour les membres de Natuurpunt. Depuis, les voyages en groupe organisés avec un guide nature freelance – éventuellement associé à un guide local – constituent notre principale activité. Des voyages combinant nature, culture et connaissance des populations locales se sont par la suite ajoutés. Et nous prévoyons aussi des formules pour des voyageurs individuels. La tendance n’est en effet plus aux voyages en groupe, mais bien en famille, avec des amis ou en couple. Et Willy Paquay de résumer : « Les gens veulent suivre cette tendance, mais sans devoir ‘goupiller’ eux-mêmes tout un voyage ».
D’un safari à une campagne contre la chasse à la baleine
Petits hôtels de charme sobres, mais confortables, randonnées pas trop lourdes ou programmes aventureux, mais pas trop, Tierra met tout en œuvre pour consacrer le plus de temps possible à l’observation de la nature. « D’office, cela attire un public plus âgé. Les voyages en groupes pour les plus de 50 ans sont ainsi devenus notre spécialité. Avec Wielewaal, les voyages se faisaient traditionnellement en grands groupes et en car. De son côté, Tierra s’en tient à des groupes plus restreints, de maximum seize personnes pour les voyages en Europe et douze personnes pour les destinations lointaines. Cette limitation se justifie en partie pour des raisons de durabilité, mais aussi pour permettre aux participants de jouir pleinement de la nature. Les petits villages locaux sont beaucoup moins chamboulés lorsqu’y séjourne un petit groupe que lorsqu’y débarque un grand nombre de touristes », nous explique Willy Paquay. Par ailleurs, c’est aussi beaucoup plus facile de gérer les déplacements sur place. Et bien que le voyage s’articule principalement autour de la randonnée, le minibus constitue un choix logique et pratique pour se déplacer. « Tout dépend de la destination : en Estrémadure (l’une des 17 communautés autonomes d’Espagne, située dans le sud-ouest du pays), nous séjournons durant toute une semaine au même endroit, au départ duquel nous pouvons visiter de nombreuses attractions touristiques. En Roumanie, par contre, nous logeons dans le delta dans un hôtel bateau, qui se déplace chaque nuit. »
Le tourisme durable ne coule pas de source, admet Willy Paquay : « En fait, si l’on veut voyager de façon durable, il faudrait … rester chez soi. Aussi, Tierra a opté pour une approche pragmatique. Les gens voyagent beaucoup, c’est un fait incontournable. Nous essayons de tirer parti de cette réalité pour transmettre certaines valeurs et idées au voyageur. Pour lui inculquer quelque chose, mais aussi lui faire vivre une chouette expérience. Il témoignera plus de respect envers l’environnement s’il apprend à l’apprécier. Dans la nature, il faut de toute façon respecter certaines règles élémentaires, comme garder ses distances avec les animaux, ne pas les déranger, rester sur les chemins et ne pas pénétrer dans certaines zones en saison de nidification. Nous pouvons citer, comme exemples concrets, les observations des baleines et autres safaris : bien que de nombreux touristes souhaitent s’approcher au maximum des animaux pour les prendre en photo, nous demeurons à distance. Et, sur ce plan, nos accompagnateurs, d’ailleurs en charge chaque jour de la gestion des ressources naturelles, et certains travaillant chez Natuurpunt, prennent leurs responsabilités. » Dans certains cas, Tierra va même plus loin. « Comme l’Islande fait partie de nos destinations et que la chasse à la baleine y est encore pratiquée, nous avons, dans le passé, mené une campagne internationale avec le WWF et quelques autres tour-opérateurs en vue de mettre la pression sur le gouvernement. Ce pays étant une destination très prisée par les voyageurs, nous avons donc choisi, plutôt que le boycott, de soutenir des sorties en mer responsables à la découverte des baleines et de lancer des pétitions. »
Pour Willy Paquay, le tourisme durable, c’est bien plus que l’aspect écologique. Il faut aussi tenir compte de deux autres facteurs importants, l’économie et la population locales. « Nous ne travaillons qu’avec des accompagnateurs qui connaissent la destination de A à Z. Ainsi, outre le bahasa, notre contact en Indonésie parle aussi plusieurs dialectes locaux, ce qui lui permet de collaborer avec des personnes de contact du cru et de mieux contrôler l’affectation des revenus. Pour ce qui est des destinations lointaines, nous recherchons toujours des partenaires locaux – notre partenaire portugais, par exemple, est un peu comparable à Natuurpunt – partageant notre philosophie. Ceux-ci se chargent du logement et du transport. Quant aux grands groupes voyagistes, ils sont persona non grata. » Accorder de l’attention à la gastronomie locale constitue, selon Willy Paquay, une autre forme de durabilité. « Bien souvent, les gens se raccrochent à la cuisine à laquelle ils sont habitués. En Indonésie, le guide se rend avec son groupe sur un marché local pour y acheter du poisson qui sera ensuite préparé de façon traditionnelle dans un petit restaurant. Cela permet de découvrir un pays non seulement de façon visuelle, mais aussi, au sens littéral du terme, de façon gustative. »
Pragmatisme et respect
Willy Paquay est d’avis qu’il incombe aux autorités de garantir le caractère durable du tourisme. « Aucune taxe n’est, par exemple, aujourd’hui prélevée sur le carburant utilisé par les avions. Il n’est pas rationnel de laisser cette décision à l’initiative individuelle des clients qui entendent voyager de façon responsable. Le prix équitable d’un billet devrait immanquablement intégrer cette taxe. L’arrivée des compagnies low cost a totalement biaisé les rapports aux prix. Mais c’est la réalité actuelle, une donne dont il faut tenir compte en tant qu’entreprise », nous confie ce manager pragmatique. « Le marché flamand est trop restreint pour qu’un voyagiste puisse se payer le luxe de cibler uniquement des voyageurs idéalistes et sensibilisés à l’importance de la durabilité. »
Tierra a connu un solide revers sur le plan des destinations lointaines suite à la crise économique. « Les gens ont modifié leur comportement, c’est flagrant : ils partent moins loin en vacances et organisent plus eux-mêmes. Ils partent, par exemple, en voiture dans le Midi de la France. » Outre l’aspect financier, l’utilisation toujours croissante d’Internet et la convivialité des sites Web des voyagistes jouent également un grand rôle à cet égard. « De plus en plus souvent, les gens se chargent eux-mêmes des recherches ; quant aux contacts locaux, ils sont aussi joignables en ligne. L’agence de voyages se doit donc d’offrir un service particulier. Les vacances à la neige ou à la plage, vous pouvez facilement les réserver vous-mêmes, mais ce n’est pas le cas d’un voyage en Éthiopie. Et c’est précisément à ce niveau que nous voulons faire la différence. »