Oxfam-Magasins du monde : un mouvement citoyen

D’Oxfam-Magasins du monde, on connaît notamment les boutiques où l’on peut acheter une pléthore de produits équitables de très bonne qualité. Les habitués s’y rendent régulièrement pour acheter leur vin, leur jus de fruits, leurs céréales, leur café ou leurs produits d’artisanat équitable et de soin du corps. Les moins habitués s’y rendent en général au moment des fêtes, parce que les boutiques regorgent d’idées de cadeaux originales. Mais derrière les étals se cache un grand mouvement citoyen, un pionnier du commerce équitable qui parvient à mobiliser des milliers de bénévoles pour changer les mentalités.

Dans la famille Oxfam, je demande les Magasins du monde. C’est que, en effet, il y a Oxfam et Oxfam… L’organisation a été créée en 1942 en Angleterre sous l’appellation Oxford Committee for Famine Relief (d’où le nom) pour répondre à la famine qui sévissait alors en Grèce sous l’occupation allemande. Cette ONG historique s’est aujourd’hui développée en une confédération de dix-sept organisations indépendantes, dans le Nord mais aussi de plus en plus dans le Sud, Oxfam Inde, Oxfam Mexique, Oxfam Afrique du Sud….

En Belgique, où le mouvement s’est implanté en 1964, on en compte trois : Oxfam-Solidarité, ONG de coopération au développement, et ses deux sœurs jumelles, qui s’occupent de commerce équitable, Oxfam-Wereldwinkels (créée en 1971) en Flandre et Oxfam-Magasins du monde (créée en 1976) en Fédération Wallonie-Bruxelles. Oui, curieusement, ces jumelles ne sont pas nées le même jour. Mais elles pratiquent la même philosophie, celle du « trade not aid », le commerce plutôt que l’assistanat.

Professionnalisation

« Les premiers produits équitables qui sont arrivés sur le marché belge étaient des produits politiques », explique Douchka van Olphen, responsable de la communication chez Oxfam-Magasins du monde. « Ils étaient une manière très concrète d’attirer l’attention sur des questions d’injustice socio-économiques dans le monde. » De fait, les plus âgés d’entre nous se souviennent peut-être des premières boutiques Oxfam, où des bénévoles militants vous guidaient autant vers les bouquins sur le pouvoir des multinationales fruitières que vers les ponchos fabriqués par les paysans boliviens.

Rassurez-vous, si l’esprit militant n’a pas disparu, cette période-là est bien passée : aujourd’hui, comme tout le secteur associatif, les Magasins du monde-Oxfam (et les Oxfam-Wereldwinkels) se sont professionnalisés. Même si les boutiques sont toujours tenues par des bénévoles, les produits proposés sont de grande qualité et l’offre est très variée. « Nos partenaires du Sud sont des professionnels. Nous visons tous en priorité le changement social, mais dès lors que nous vendons des produits, ceux-ci doivent respecter des critères de qualité et d’authenticité exigeants, en plus de ceux du commerce équitable », précise Douchka.

 

 

Partage

À l’origine, les deux Oxfam « équitables » belges s’étaient partagés la tâche : les produits alimentaires du Sud seraient gérés par les Oxfam Fair Trade (Gand) tandis qu’Oxfam-Magasins du monde se spécialiserait dans l’artisanat. Les mêmes produits se retrouvent dans les boutiques des uns et des autres. Aujourd’hui, il n’y a pas que des produits Oxfam dans les Magasins du monde-Oxfam. Il y a, par exemple, des produits alimentaires de la marque Ethiquable, qui suit les mêmes critères exigeants (équitables et de qualité) qu’Oxfam.

A ceux qui prétendent que l’artisanat est un marché plus complexe, avec des volumes moins importants et des contrôles de qualité plus difficiles, Douchka van Olphen répond : « Parce qu’il s’agit de produits de consommation quotidiens, les produits alimentaires ont plus de chances d’entrer dans les foyers. » De toute façon, la rentabilité n’a jamais été – et ne sera jamais – le seul but. « Nous sommes des ASBL : si on dégage un bénéfice, ça nous permet de réinvestir dans des projets avec nos partenaires et de veiller à la pérennité de l’association. Le commerce équitable exercé par Oxfam est et restera toujours un outil de changement (parmi d’autres) dont l’objectif est de lutter contre les injustices socio-économiques. Nous portons une attention particulière aux populations les plus marginalisées dans le Sud mais aussi le monde paysan dans le Nord depuis le lancement de la démarche Paysans du Nord en 2012. Notre but est de créer le changement. »

Des partenaires soigneusement choisis

Membre de la WFTO (World Fair Trade Organization), Oxfam-Magasins du monde ne considère pas la labellisation des produits équitables comme une fin en soi. « Un label est un outil, explique Douchka. Chez Oxfam-Magasins du monde, nous travaillons par filières, avec les acteurs, pas par produits. Labelliser des produits d’artisanat s’avérerait d’ailleurs très difficile car il y a un côté éphémère au produit (collections  printemps et hiver, évolution et variété des objets). » De plus, chaque objet est fabriqué à la main (artisanat) et la quantité est limitée. Les frais de licence pourraient en outre s’avérer trop chers pour les producteurs les plus marginalisés. A contrario, la chaîne d’approvisionnement est plus courte que dans l’alimentaire, ce qui facilite la labellisation. Malgré ces particularités, la WFTO a récemment créé un label spécifique à l’artisanat équitable avec des critères exigeants, reconnaissant le travail de qualité des organisations de commerce équitable qui les respectent.

Oxfam-Magasins du monde respecte des procédures très strictes de sélection des partenaires. Quand un nouveau partenariat est envisagé, une commission composée de bénévoles et de salariés Oxfam évalue le partenaire en fonction de critères exigeants. La transparence est de rigueur. « Cela peut prendre des mois avant d’accepter un nouveau partenaire », précise Douchka. Pour les évaluations (respect des critères), Oxfam-Magasins du monde rend également visite aux producteurs et collabore avec d’autres acteurs européens pour les effectuer. Ils sont notamment accompagnés d’évaluateurs externes.

Réinvestissement dans l’outil, projets sanitaires, sociaux, éducatifs ou d’infrastructures…, le but de la « prime » du commerce équitable mais aussi du système de préfinancement est que le partenaire puisse réinvestir dans son projet et avancer dans son objectif de changement social. « On n’est pas dans une démarche paternaliste. Nous sommes sur pied d’égalité, les partenaires et nous. »

Priorité à la sensibilisation

Sur le potentiel du commerce équitable, Douchka van Olphen reste réaliste : « Le commerce équitable est une alternative, pas une solution à tout. Il nous permet de montrer qu’il est possible de produire, de vendre et de consommer autrement. On le constate à travers les impacts positifs en termes sociaux-économiques, en termes de santé ou d’environnement qu’apporte la pratique d’un commerce équitable exigeant. En même temps, la sensibilisation des citoyens sur les enjeux liés au commerce équitable est primordiale. »

Pour preuve, les grandes campagnes qui sont depuis longtemps le fer de lance de l’association. Par exemple, Oxfam-Magasins du monde a été parmi les premiers à militer en faveur de vêtements « propres » produits dans des conditions de travail décentes. Aujourd’hui, Oxfam-Magasins du monde continue à dénoncer les injustices créées par les multinationales. La dernière campagne de l’ONG dénonce par exemple leur mainmise au Brésil sur la production des oranges. Le pays est le plus grand producteur et exportateur de jus au monde, mais trois multinationales contrôlent à elles seules 99% de la production d’oranges ! Les campagnes sont parfois menées conjointement avec l’organisation-sœur « Oxfam-Wereldwinkels » comme en 2010 avec la campagne sur les conditions de production du cacao en Afrique de l’Ouest, où des situations d’esclavage des enfants existent.

Nord, Sud, même combat

Les problèmes auxquels sont confrontés les paysans n’ont plus de frontières. Au Sud comme au Nord, l’agriculture paysanne disparaît au profit de l’agro-industrie qui ne pourra pas nourrir le monde durablement. De plus en plus de paysans cessent leur activité car il n’est plus possible d’en vivre dignement. En 2009, par exemple, des fermiers désespérés ont épandu leur lait sur leurs champs pour dénoncer des prix de vente plus bas que leurs coûts de production. L’industrialisation croissante de l’agriculture précipite la disparition de centaines de milliers d’emplois paysans, y compris en Belgique. C’est la raison pour laquelle désormais, Oxfam-Magasins du monde s’engage également aux côtés des paysans du Nord proposant dans ses magasins des produits issus de l’agriculture paysanne durable du Nord

« Nous sommes dans un monde de plus en plus inter-relié. L’agro-industrie, le climat, les inégalités sociales…, c’est devenu le même combat au Nord qu’au Sud, analyse Douchka. Chaque jour, on se rend compte davantage que nous, citoyens, nous devons chercher des alternatives. En Belgique, il y a des tas d’initiatives qui naissent : dans les vêtements de seconde main, dans les logements partagés, dans les coopératives laitières, les Gac, les associations comme Terre en vue… »

Oxfam-Magasins du monde est un mouvement citoyen qui invite tout le monde à s’engager. Et ce, parfois de manière très conviviale : chaque année, l’ONG organise les petits déjeuners Oxfam à l’occasion de la semaine du commerce équitable en octobre, une manière originale de découvrir les produits du commerce équitable et « d’encourager les consommateurs à modifier leurs habitudes de consommation et de se mettre en action ». Un petit café pour la route ?

Crédits photos : Oxfam-Magasins du monde
Photo 1 : Oxford Comittee for Famine Relief
Photo 2 : Douchka Van Olphen
Photo 3 : Produits Ethiquable
Photo 4 : Roopa Mehta, WFTO President
Photo : Fairebel
Website: http://www.oxfammagasinsdumonde.be/ 
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