L’atelier d’impression textile ACP, qui propose des vêtements équitables promotionnels et de travail, ressent clairement une hausse tant de l’offre que de l’intérêt pour des vêtements durables. Toutefois, même si « bon nombre de clients s’informent sur le choix le plus durable, au moment de prendre la décision finale, même les organisations les plus engagées optent pour le produit le meilleur marché, ce qui, pour nous, s’avère parfois extrêmement frustrant », nous confie le directeur Dirk Piret.
L’atelier d’impression textile ACP a vu le jour il y a onze ans. Auparavant, Dirk Piret était responsable d’une imprimerie sérigraphique, pour un projet bruxellois d’insertion professionnelle. Lorsque les subsides se sont taris, Dirk Piret a perdu son travail. Il a alors pris la décision de se lancer comme indépendant et de continuer la sérigraphie. Dès le départ, ACP a travaillé avec des encres durables à base aqueuse.
« C’est au moment où nous avons pu acheter des t-shirts à un euro la pièce que nous avons résolument franchi le pas et opté pour la durabilité, » se souvient Dirk Piret. « Il n’était même pas nécessaire d’acheter une boîte complète de t-shirts. Le transport depuis l’importateur à Bruxelles ou Anvers jusque chez nous coûtait plus que le t-shirt lui-même. Une logique qui nous paraissait tout à fait absurde. Lorsque je vais prendre une bière dans un café tout proche, cela me coûte plus cher que ce t-shirt fabriqué au Cambodge et dont le coton a été cultivé, cueilli, tissé et teint en Inde, par exemple. »
Ce constat a dès lors motivé ACP à s’investir dans la difficile quête du textile équitable. « Nous avons demandé des codes de conduite (codes of conduct) à nos fournisseurs, ce qu’ils nous ont d’ailleurs immédiatement fourni. Toutefois, ces codes ne sont rien de plus qu’une déclaration d’intention énumérant des évidences, comme le fait que le producteur est opposé au travail des enfants et qu’il a la volonté de verser un salaire », déclare Anne Verbruggen, collaboratrice de l’entreprise familiale.
Transparence
Derrière l’industrie textile se cache toute une série d’acteurs, ce qui ne plaide pas en faveur de la transparence de la filière. « Nous achetons notre textile à des stockistes, qui l’achètent eux à des fabricants, avant de le dispatcher sur l’ensemble du territoire », explique Dirk Piret. « La majorité de ces prétendus “fabricants” ne produisent pas eux-mêmes les vêtements. Ils se contentent de passer commande dans un pays comme le Bangladesh. Ils indiquent qu’ils veulent faire produire x millions de pièces et c’est l’atelier qui peut honorer cette commande au prix le plus bas, qui l’emporte. Et ce n’est qu’à ce moment-là que ce dernier commence à recruter le personnel temporaire nécessaire pour la commande. »
Lors de sa quête de vêtements équitables, ACP est rapidement entré en contact avec la campagne « SKC – Schone Kleren Campagne » (l’équivalent en Flandres d’achACT), un réseau d’ONG qui milite en faveur d’une amélioration des conditions de travail dans l’industrie textile. « Selon les dires de la campagne SKC, une affiliation à la Fair Wear Foundation offre la meilleure garantie que le code de conduite signé par ses membres fasse effectivement l’objet d’un contrôle, » affirme Anne Verbruggen. « La Fair Wear Foundation est une initiative multipartite représentant à la fois les organisations de travailleurs et les associations patronales. Le respect du code de conduite est vérifié au moyen d’audits externes. En cas d’infractions constatées, le membre dispose de quelques années pour se mettre en ordre. »
« Nous avons immédiatement introduit une demande d’affiliation, même si cela s’avère extrêmement coûteux. En fait, nous délions les cordons de la bourse… pour nous faire contrôler », nous confie en riant Dirk Piret. Attendu qu’ACP est membre de la Fair Wear Foundation, 90 % de ses fournisseurs doivent par ailleurs aussi y être affiliés. Et pourquoi pas 100 % ? « Afin de pouvoir répondre aussi à certaines demandes », explique Anne Verbruggen. « Aucun fabricant de chaussures n’est par exemple membre de la Fair Wear Foundation. Lorsqu’un de nos clients demande des chaussures, cela nous permet donc d’accéder à sa demande. »
Label or not label
La Fair Wear Foundation n’est pas partisane de l’apposition d’un label sur les vêtements de ses membres. « Un choix qu’elle motive par le fait qu’il est impossible de garantir à 100 % qu’un vêtement particulier soit “propre”, c.-à-d. produit dans des conditions de travail décentes », poursuit Anne Verbruggen. « Toutefois, l’absence de label empêche une communication claire avec la clientèle. Pour les commandes plus conséquentes, nous ajoutons à nos articles vestimentaires un petit document donnant plus d’informations sur la provenance du vêtement et sur les garanties que nous offrons. »
Une partie du textile imprimé par ACP porte cependant d’autres labels connus. « Certains t-shirts portent le label Fairtrade, connu de bon nombre de consommateurs, bien qu’il ne garantisse un prix décent qu’aux seuls producteurs de coton. Ce label ne se prononce en principe pas sur les conditions de tissage ou sur la confection. Nous vendons aussi des vêtements en coton bio portant le label GOTS, la norme mondialement connue de certification de fibres organiques. »
« Même si le client veut pouvoir faire son choix entre plusieurs couleurs et modèles, sa motivation première demeure le prix, » ajoute Dirk Piret. « Bien souvent, des vêtements portant un label tel que Fairtrade coûtent plus cher. Bon nombre de clients s’informent certes sur le choix le plus durable, mais au moment de prendre la décision finale, même les organisations les plus engagées optent pour le produit le meilleur marché, ce qui, pour nous, s’avère parfois extrêmement frustrant. »Een deel van het textiel dat ACP bedrukt, draagt wel andere bekende labels.
Rana Plaza
Après l’effondrement en 2013 du Rana Plaza, un immeuble abritant des ateliers de confection au Bangladesh, les médias du monde entier ont braqué les projecteurs sur les mauvaises conditions de travail dans l’industrie textile. « Notre sentiment est que les producteurs en parlent eux aussi davantage. Bien entendu, il ne suffit pas d’en parler ; il faut également agir », souligne Anne Verbruggen. « Depuis cet évènement, nous recevons beaucoup plus de demandes, mais je ne sais pas si cela va durer. C’est une situation un peu comparable à la crise de la dioxine dans le secteur alimentaire. Pendant tout un temps, plus personne n’a acheté de poulets, mais peu après, la plupart des gens avaient oublié. »
Pour l’heure, ACP est la seule entreprise belge d’impression textile à être affiliée à la Fair Wear Foundation. « Il serait intéressant pour nous que d’autres entreprises comme la nôtre adhèrent elles aussi à la Fair Wear Foundation. Cela permettrait une concurrence plus équitable », poursuit Dirk Piret. « Aux Pays-Bas, les pouvoirs publics ont l’obligation d’acheter des vêtements de travail auprès d’un vendeur affilié à la Fair Wear Foundation. Tous les acteurs de ce secteur sont donc de facto membres de cette organisation. »
« Depuis quelque temps, nous proposons des vêtements de travail labellisés Fairtrade, conçus sur mesure pour les travailleurs communaux, dont les éboueurs. Nous avons fait le tour de toutes les FairTradeGemeenten (communes flamandes du commerce équitable) avec notre concept, mais depuis, plus aucune nouvelle. Et pourtant, le prix est tout à fait comparable à celui d’autres vêtements de travail de qualité », ajoute Anne Verbruggen. « Les communes veulent toutes être certifiées FairTradeGemeente, mais les responsables des achats optent bien souvent pour la solution la plus simple. Et la durabilité est loin d’être un critère repris dans les marchés publics plus conséquents. »
20.000 litres d’eau
“« En peu de temps, l’offre de textile durable a connu une forte hausse. La différence par rapport à il y a quelques années est énorme. Et c’est aussi absolument nécessaire, car la production “conventionnelle” de coton n’est en fait pas du tout durable », raconte Dirk Piret. « La confection d’un jean et d’un t-shirt nécessite un kilo de coton et consomme 20.000 litres d’eau. C’est intenable d’un point de vue écologique. D’autre part, si demain tout le monde voulait passer au coton bio, cela poserait un sérieux problème, car cette production requiert le double de superficie cultivable que pour le coton conventionnel. »
ACP propose aussi des vêtements fabriqués dans d’autres matières que le coton. « Nous développons entre autres du textile à base de chanvre et de bambou, mais cette production n’en est qu’à ses balbutiements. Contrairement à la Chine, l’Europe ne compte encore aucune filature de chanvre. Le bambou est une matière très raffinée à porter. Il offre la même sensation que le satin, présente l’avantage de ne pas se froisser et peut se substituer au polyester. Grâce à sa croissance ultrarapide, le bambou peut être récolté jusqu’à cinq fois par an. Et même si la transformation de fibres de bambou en textile s’avère quelque peu polluante, je suis d’avis que les problèmes posés par le chanvre et le bambou sont bien plus faciles à surmonter que les difficultés majeures liées à la production de coton. Mais le secteur du coton peut lui compter sur un solide lobby. »