Chaque responsable de catégorie est appelé à développer et intégrer des produits issus du commerce équitable dans sa gamme.
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Quand on demande à Carrefour le nombre de produits équitables proposés, la réponse est toujours la même : qu’entendez-vous par produits équitables ? La chaîne de supermarchés ne considère en effet pas le commerce équitable comme une ligne de produits distincte. La même règle s’applique tant aux produits provenant des pays du Sud que du Nord : ils doivent être développés dans le respect du producteur, de la planète et de la clientèle.
Les produits frais de la chaîne de qualité Carrefour respectent un cahier des charges strict. Il précise les accords conclus avec les fournisseurs et stipule entre autres que le producteur doit obtenir un bon prix pour son produit, que les animaux doivent être élevés et les plantes cultivées de manière saine, et que la qualité doit être garantie aux clients. Carrefour serait également le premier distributeur belge à miser sur des produits locaux. Réduire le gaspillage et importer le moins possible de produits provenant de l’autre côté de la planète s’inscrivent dans sa politique RSE (1). En Belgique, Carrefour collabore avec 600 producteurs, ceux-ci pouvant définir eux-mêmes leur politique d’achat et de vente. Les producteurs locaux se trouvent à proximité immédiate d’un magasin donné, ne comptent pas plus de dix travailleurs et ne peuvent pas dépendre de Carrefour pour plus de 10 % de leur chiffre d’affaires.
Carrefour propose quelque 400 produits équitables, dont une majorité sous sa propre marque. D’autres produits labellisés Fairtrade comme les glaces Ben & Jerry’s viennent compléter la gamme. Baptiste van Outryve, responsable de la communication, nous confie que Carrefour s’est lancé dans l’aventure équitable il y a quelques années, mais que le véritable essor a été enregistré il y a seulement 2 ans et demi. « Nous avons à présent atteint notre vitesse de croisière, mais nous avons encore pas mal de pain sur la planche. S’il est aisé pour nous de définir la stratégie des magasins que nous gérons directement, certains autres magasins sont exploités par des franchisés et là, il nous reste encore un gros travail de conversion à réaliser. Notre franchisé à Herent est l’exemple par excellence d’une mise en œuvre réussie du commerce équitable dans un magasin géré par un indépendant. Il a donc tout récemment accompagné notre Directeur des produits frais lors d’un voyage au Pérou, où il a rencontré les producteurs de bananes. Il fait en quelque sorte figure d’ambassadeur et partage son expérience avec d’autres gérants de magasins. »
L’offre équitable de Carrefour est développée en concertation avec Fairtrade Belgium (jusqu’il y a peu encore, Max Havelaar). « Nous entretenons des contacts réguliers avec l’organisation pour implémenter des actions communes et analyser notre évolution. Nous nous entendons bien. Nous examinons ensemble quelles sont les possibilités, quels produits de marques nationales offrent une plus-value à notre gamme et de quelle manière nous pouvons élargir le choix offert à notre clientèle en étoffant aussi notre propre gamme de produits équitables. Nous avons récemment lancé des capsules de café Fairtrade sous notre propre marque, à utiliser dans des machines à espresso, par ailleurs neutres en CO2, une première en Belgique. »
Chez Carrefour, la responsabilité du commerce équitable n’incombe pas à une seule personne ; nous attendons de chaque Category Manager qu’il promeuve les produits équitables et qu’il les intègre à sa gamme. Ce sont aussi eux qui sont en contact direct avec Fairtrade Belgium. « Il va de soi que nous facilitons cette démarche en mettant plusieurs personnes à disposition en interne, mais ce sont in fine les Category Managers qui assument la responsabilité de l’étendue de leur gamme. Ce sont eux aussi qui négocient les prix. Un point sur lequel nous ne sommes pas encore tombés d’accord à 100 % et que nous analysons magasin par magasin, c’est de savoir s’il est préférable de mettre tous les produits équitables dans un rayon distinct ou de les placer avec ceux du même type. Dans la majorité des magasins, notamment ceux gérés en régie, le café équitable est vendu au rayon café, etc. Cela permet ainsi de toucher plus de personnes que simplement les early adopters, les convaincus. Si, lors du lancement d’un produit, il est intéressant de le mettre dans un rayon distinct, il est toutefois logique qu’en fin de compte, tous les produits équitables se retrouvent dans le rayon concerné, là où les clients iront le chercher. »
À l’heure actuelle, il semble impensable pour une chaîne de supermarchés de ne pas vendre de produits équitables. Le commerce équitable est un business en plein essor, non seulement bénéfique pour l’image de marque, mais aussi bien moins tributaire des aléas liés à la conjoncture économique. C’est en tout cas ce que pense Baptiste : « En principe, nous ne prenons pas des marges, mais il est vrai que les produits équitables génèrent une plus-value. Pour Carrefour, pour le producteur, pour le client, mais aussi pour le distributeur qui prend une marge additionnelle, parce que ce type de produits est moins soumis à la concurrence acharnée et à la guerre des prix. Bien entendu, cela ne peut pas être l’argument principal ; il faut en effet qu’ils offrent une plus-value à toutes les parties sans exception. Depuis longtemps déjà, nous nous efforçons, dans tout ce que nous entreprenons, de faire preuve de respect envers l’être humain et notre planète ; ce fait n’est peut-être pas tellement connu, mais, il y a une dizaine d’années de cela, Carrefour a été le premier à collaborer avec les banques alimentaires en Belgique. En tant que deuxième distributeur au monde, nous sommes fréquemment perçus comme le grand méchant loup qui presse les producteurs comme des citrons, alors que, si vous interrogez nos producteurs, la majorité vous dira que Carrefour les traite avec beaucoup de respect. Il est évident que nous négocions âprement avec les multinationales, mais nous ne sommes assurément pas les pires. En tant que deuxième plus grand réseau, je pense justement que nous devons montrer l’exemple. »
L’attention accordée par Carrefour aux producteurs de l’hémisphère nord se traduit-elle aussi en accords concrets concernant un prix minimum ? « Nous cassons certes les prix au niveau de la vente, mais pas de l’achat. Nous ne faisons guère de in & outs (2) pour décrocher une opportunité avant de remercier le fournisseur quelques mois plus tard. Tous nos contrats sont conclus pour une longue durée. Il s’agit même bien souvent de réels partenariats dans le cadre desquels nous investissons dans certains aspects au bénéfice du producteur, ce qui à long terme s’avère rentable pour les deux parties. Par exemple, depuis des dizaines d’années nous collaborons avec certains éleveurs et, même en cas de revers ne leur permettant pas d’atteindre leur quota, nous avons poursuivi notre collaboration avec eux. Si nous témoignons du respect envers le producteur et que nous recherchons avec lui la meilleure façon de produire de la viande et des légumes, nous bénéficions par la même occasion d’un produit de meilleure qualité ainsi que de la satisfaction de notre clientèle. »
Les clients optent pour le label Fairtrade, parce qu’il est une référence et qu’il se traduit par des résultats concrets, poursuit Baptiste. « L’effet est directement visible auprès des producteurs grâce aux projets mis en œuvre sur place, tels que l’éducation et l’approvisionnement en eau dans les villages. Il ne s’agit ici pas d’un cadeau, mais d’un partenariat. Nous payons au producteur un bon prix pour un produit de qualité. Dans ce genre de collaboration, ce ne sont pas les négociations des prix qui occupent une place centrale, mais bien l’honnêteté. L’atout offert par le système du commerce équitable, c’est qu’il propose majoritairement des produits que vous consommez au quotidien, comme de la pâte à tartiner ou du riz. Et notre gamme de produits est assez étendue. Nous vendons par exemple aussi des bodies pour bébés fabriqués en coton bio-équitable. Une dernière raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans l’aventure avec Fairtrade Belgium, c’est le fait que tout le monde connaît son logo. Changer le nom de “Max Havelaar” en “Fairtrade Belgium” a été une très bonne idée, vu que l’histoire de Max Havelaar a une forte connotation néerlandaise. Un gros travail de conversion est encore à réaliser dans le sud du pays, mais là aussi, le commerce équitable gagne progressivement ses galons. »