L’appui du TDC aux communautés autochtones

Les communautés indigènes sont généralement définies comme « les descendants des peuples d’origine d’un certain territoire ». Au fil de l’histoire, sur les différents continents, ces peuples ont été colonisés, discriminés et parfois expulsés,  voire décimés par les nouveaux arrivants. Aujourd’hui encore, la discrimination socioéconomique demeure monnaie courante pour différents groupes de populations autochtones.

Dans les projets soutenus par le Trade for Development Centre (TDC), des organisations et entreprises indigènes s’efforcent de s’atteler elles-mêmes au développement économique de leurs communautés, dans le respect des traditions.

Par le biais de cet article, nous rendons visite aux tribus montagnardes du Nord-Vietnam, aux Twa dans l’est du Congo, aux Shipibo-Conibos et aux Awajúns en Amazonie péruvienne, aux Yuracarés en Amazonie bolivienne et enfin aux Massaïs en Tanzanie.

Communautés autochtones

L’Assemblée générale des Nations Unies du 13 septembre 2007 a adopté à une large majorité la « Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones », point culminant, mais provisoire de dizaines d’années de lutte de nombreux peuples autochtones répartis sur l’ensemble des continents. La définition la plus répandue des peuples autochtones est celle formulée par Martinez Cobo, Rapporteur spécial à l’ONU : « Par peuples autochtones, on entend les descendants des premiers habitants d’un territoire, qui sont à présent soumis à une autre culture dominante ». Les différences entre les conditions de vie des peuples autochtones sont grandes. Ainsi, en Norvège, les Samis ont conclu un traité avec l’État, alors que dans certains pays les Pygmées sont encore moins bien considérés que des citoyens de second rang.

Si la Déclaration des Nations Unies constitue certes une avancée importante, c’est aux autorités publiques qu’il revient de transposer dans leur législation nationale ses principes, comme le droit à la propriété foncière ou à l’autodétermination. Dans de nombreux pays, les communautés autochtones représentent une faible minorité, ce qui ne facilite pas vraiment la défense de leurs droits. Dans des pays comme le Guatemala, la Bolivie et le Groenland, par contre, elles sont majoritaires.

Quelques chiffres 

  • Les peuples autochtones représentent environ 370 millions de personnes dans le monde (ONU)
  • Leur habitat couvre plus de 20 % de la surface du globe (ONU)
  • 5.000 peuples, 4.000 langues, 70 pays (FIDA)
  • Quelque 70 % vivent en Asie et se composent majoritairement des Adivasi en Inde (FIDA)

Thé indigène
Vietnam

Le Vietnam rassemble pas moins de 54 groupes ethniques. Un de ces groupes est cependant dominant, puisqu’il représente 87 % de la population : ce sont les Viêts. Force est de constater que les 53 autres groupes constituent 70 % de l’extrême pauvreté dans le pays. Plusieurs de ces peuples autochtones vivent dans les zones montagneuses du Nord qui bordent la frontière chinoise. C’est dans cette région qu’est active Ecolink (Vietnam Ecological Linkage Company). De 2011 à 2015, le TDC a appuyé divers projets de ce pionnier de la production et la commercialisation de thé bio.

Si cette région montagneuse est lourdement frappée par la pauvreté, le recours aux pesticides y est moins massif qu’ailleurs. Cela facilite par conséquent la transition à la culture bio. Grâce à l’obtention d’une certification bio et équitable, Ecolink tente de se créer des opportunités d’exportation, sans oublier de rechercher des possibilités de débouchés domestiques, car depuis plusieurs scandales alimentaires dans le pays, de plus en plus de Vietnamiens sont en quête de produits sûrs.

En 2015, le TDC a décidé de soutenir une deuxième entreprise, BHT (Bac Ha Tea Development Company Limited), qui adopte la même approche : réunir les agriculteurs et leur prodiguer un encadrement intensif pour les aider à cultiver des produits bios. L’élément important dans cette histoire, c’est quils positionnent la variété locale de thé (le thé Shan) en tant que « produit indigène de qualité ». Les agriculteurs comprennent parfaitement qu’ils ne sont pas en mesure, en termes de productivité, de concurrencer la production de thé des basses terres et qu’ils doivent donc miser sur la qualité.

 Tout se fait encore à une échelle modeste et avec des moyens extrêmement limités. Il nous faut aussi lutter contre la bureaucratie et l’ignorance du consommateur vietnamien », nous confie Than Dy Ngu, directeur d’Ecolink. « Nous nous efforçons toutefois de rassembler dans un mouvement tous les producteurs actifs dans l’agriculture biologique. » « Et ils y parviennent à merveille », conclut Hoang Van Duong, évaluateur externe pour la CTB. « Qui plus est, les objectifs ont été largement atteints : entre 2013 et 2015, le revenu des familles autochtones d’agriculteurs de Ban Lien et Tam Duong a progressé respectivement de 86,5 % et de 140,5 %. Ces pourcentages étaient moins élevés dans d’autres régions, mais celles-ci n’avaient obtenu leur certification qu’à la fin de 2014. »

Café fort
Congo

Le terme Pygmée vient du grec « pygmaios », qui signifie « aussi grand qu’un poing », une référence à la petite taille des habitants d’origine des forêts tropicales dAfrique centrale. Les recensements ne sont pas très précis pour le Congo, mais le pourcentage de Pygmées dans la population est estimé à 1 %. Certains groupes tels que les Twa, le plus ancien groupe de population dans la Région des Grands Lacs dans l’est du Congo, ont été violemment expulsés de leurs territoires lors de la création des Parcs nationaux de la Virunga et de Kahuzi-Biega notamment, ce qui les a relégués en marge de la société. Contraints et forcés, ils ont dû troquer leur vie de chasseurs-cueilleurs contre une agriculture de survie.

C’est dans cette même région étendue que la SOPACDI (Solidarité Paysanne pour la Promotion des Actions Café et Développement Intégral) œuvre, depuis des années déjà, à une remarquable success story. Et pourtant, la coopérative se situe au Sud-Kivu, une province en proie, ces vingt dernières années, à la guerre et la violence. Les agriculteurs ont dû régulièrement abandonner leurs champs pour fuir les combats. Et s’ils avaient tout de même des récoltes, ils subissaient le chantage des quelques rares acheteurs qui osaient s’aventurer dans la région. Des centaines de paysans se sont noyés dans le lac Kivu en essayant d’aller vendre clandestinement leur récolte de café au Rwanda.

Quoi qu’il en soit, ces dernières années, la coopérative a parcouru un chemin surprenant, notamment grâce au soutien financier du TDC, mais surtout grâce à la qualité exceptionnelle de son café arabica. En 2008, le premier container a été livré à l’organisation équitable anglaise Twin, tandis qu’OxfamMagasins du monde a de son côté introduit, en 2011, le café Lake Kivu sur le marché belge. Aujourd’hui, l’ancrage du circuit équitable est un fait, et ce, de l’Amérique à la NouvelleZélande. « À n’en point douter, l’exportation de café a généré des emplois et des revenus, et contribué à redonner l’espoir. Et le fait que des ex-soldats et des rebelles échangent leurs armes contre des caféiers en est la meilleure preuve », nous confie Joachim Munganga, Président de la SOPACDI.

En 2015, le TDC a décidé de soutenir un nouveau projet de la SOPACDI, plus précisément dans la zone de Nyamassa, une région fortement touchée par l’érosion et également habitée par une communauté de Twa. En compagnie de quelques 2.000 nouveaux membres, dont au minimum 10 % de Twa, l’organisation entend parcourir le même chemin que celui parcouru précédemment dans d’autres régions. Des sessions de formations relatives à la culture d’ombre, aux pesticides naturels, voire au compost fait maison doivent permettre d’enrayer l’érosion. Des échanges avec des agriculteurs localisés dans des villages voisins sont aussi au programme.

L’objectif à terme est de décrocher une certification tant équitable que bio qui leur permettra d’inclure leur café à la gamme exportée par la SOPACDI, mais aussi d’investir les primes bio et équitables dans la lutte contre la pauvreté. Dans le courant de 2015 et 2016, 200 Twa, dont 98 femmes, ont d’ores et déjà pris part au programme de formation.

Bois certifié
Pérou

Les Shipibo-Conibo sont un groupe composé d’environ 25.000 Indiens d’Amazonie vivant le long de la rivière Ucayali en Amazonie péruvienne. Traditionnellement, ceux-ci vivent de la forêt et de l’abattage, mais les prix payés par les acheteurs pour leurs arbres sont extrêmement bas. Lorsqu’en 2005, ils ont été la première communauté indigène à obtenir le label FSC avec l’aide de l’ONG péruvienne AIDER (Asociación para la Investigación y el Desarrollo Integral), ils ont bien nourri l’espoir d’en retirer des avantages économiques. Mais il n’en a rien été. Si le potentiel était bien présent, il leur manquait une solide assise et leur faiblesse organisationnelle ne leur a pas permis de fournir la qualité et la quantité requises.

À la demande de BOS+, une ONG flamande œuvrant dans le domaine de la gestion forestière durable, le TDC a financé en 2010 un projet étalé sur trois ans. Un premier volet a consisté en une série de formations en administration, comptabilité, planification stratégique et en marketing à l’intention des membres de la communauté. Des ateliers techniques ont d’autre part été organisés sur le terrain. La principale composante a
toutefois été la construction d’un centre de stockage. Le bois y
est non seulement collecté, mais aussi séché, scié et transformé, de sorte à garder une partie de la valeur ajoutée dans la région. Pour assurer la gestion du centre et de la vente, les communautés participantes ont créé, avec l’aide de l’AIDER, la première entreprise « autochtone » en Amazonie péruvienne : Citeindigena (Centro De Transformación e Innovación Tecnológica Indígena). Ces dernières années, les efforts se sont focalisés sur le talon d’Achille de l’organisation, à savoir : le développement de relations commerciales avec des clients. Et la réussite est au rendezvous : le 29 mars 2016 a en effet été une journée historique pour Citeindigena et les Shipibo-Conibo, grâce à l’envoi de leur premier container de bois certifié de shihuahuaco en direction des États-Unis.

Et Diana Mori, un des leaders de la communauté, de nous confier à cette occasion : « Nous nous rappelons encore très bien les débuts. Une grande méfiance régnait envers les personnes de l’AIDER. Nous, Indiens, avions déjà tellement enduré. Mais nous avons compris à présent que vendre un arbre dans le circuit illégal rapporte bien moins que le traiter et le vendre nous-mêmes. Et qu’il existe une clientèle pour un produit unique : du bois certifié provenant d’une entreprise autochtone au Pérou, soit un pays où l’abattage illégal est plutôt la règle que l’exception. »

Cacao de qualité
Pérou

Les Awajún vivent dans la partie la plus septentrionale de l’Amazonie péruvienne. Appartenant au groupe linguistique jíbaro, ils représentent le deuxième groupe principal d’Indiens amazoniens au Pérou. Depuis les années 90, ils s’efforcent, en complément à leurs activités traditionnelles de chasse et de pêche, de vendre aussi du cacao, du riz et des bananes. En 2003, plusieurs petits producteurs de cette région boisée ont fondé Aprocam (Asociación de Productores Cacaoteros y Cafetaleros de Amazonas), pour accroître leurs revenus grâce à la vente de café et de cacao. Plus d’une centaine de membres sur les 200 actuels sont des Awajún.

De très nombreuses étapes ont déjà été franchies ces dernières années. Grâce à l’aide internationale accordée, Aprocam a été certifiée équitable en 2010, avant de décrocher une certification bio en 2012 et d’expédier son premier container de cacao vers l’Italie en 2014. Être tributaire d’un seul client international est cependant dangereux, raison pour laquelle l’organisation souhaite, avec l’appui du Trade for Development Centre, rehausser la qualité de son cacao, renouveler les certifications et partir en quête de nouveaux clients, en participant notamment au salon du chocolat de Paris. L’objectif est aussi de mettre sur pied une petite entreprise de production de chocolat au lait. La demande pour ce produit est forte sur le marché local, notamment par le biais du programme public social Qali Warma. Aprocam espère ainsi faire du cacao une alternative à la culture illégale de la coca.

Tous ces projets accorderont une attention toute particulière aux familles d’Awajún. La plus-value sera réinvestie en partie dans un meilleur accès à l’enseignement et aux soins de santé. Chez les Awajún, c’est la femme qui assume les travaux dans les champs ; une meilleure récolte devrait avoir un impact immédiat sur sa position sociale. Qui plus est, cette petite entreprise est censée être gérée et dirigée par des femmes. « La meilleure façon de défendre les droits de certains groupes, c’est en effet d’accroître leurs revenus », nous confie Mario Zulueta Vásquez, Président d’Aprocam

Cacao sauvage
Bolivia

En descendant de l’Altiplano bolivien vers le bassin amazonien, vous croisez les provinces de Chapare et Carrasco, habitat des Yuracaré. Suite à la ruée, dans les années 80, vers ces terres fertile, on ne compte plus les arbres abattus dans la forêt tropicale avec, pour répercussion, une pression accrue exercée sur ces communautés de chasseurs et de cueilleurs. Fort heureusement, ces dernières décennies, l’État a mené plusieurs réformes aboutissant à la reconnaissance des droits fonciers des communautés à leurs terres ancestrales. Dans la foulée, Coniyura, le conseil des Indiens Yuracaré, a lancé en 2008 un projet destiné à valoriser la cueillette de cacao sauvage, l’une de leurs activités traditionnelles. C’est en 2011 qu’a ainsi été fondée Arcasy, l’association des cueilleurs de cacao sauvage.

Le cacao sauvage est une variété de cacao qui n’a pas été plantée par l’homme. Grâce au soutien financier du TDC et avec l’aide de l’agence REPSA, une entreprise bolivienne spécialisée dans la commercialisation de produits forestiers, Arcasy a été la première en 2012 à décrocher la certification FairWild (protection des plantes sauvages) pour son cacao. C’était loin d’être évidant pour les Yuracaré, confrontés aux problèmes de stockage et de de conservation des fèves de cacao.

Entretemps, Arcasy s’efforce, toujours grâce au soutien du TDC, de continuer sur sa lancée. Son objectif est de décrocher une certification équitable et bio, qui lui ouvrirait plus de portes vers des marchés de niche dans le Nord. Arcasy possède en
effet un atout : grâce à la certification, son produit sera unique en son genre. Pour ce faire, il convient non seulement de poursuivre le développement de la logistique (transport, traçabilité…), mais chaque village doit par ailleurs désigner, au sein de sa communauté, une personne qui sera formée à contrôler la fermentation et le séchage, et partant, à garantir la qualité. Les marchés (de niche) pour ce cacao de qualité supérieure sont en effet particulièrement exigeants.

Tourisme durable
Tanzanie

Depuis une dizaine d’années, la Tanzanie développe la participation des populations locales à la gestion de plusieurs parcs nationaux. Le pays a actuellement mis en place 21 Aires de gestion de la faune (AGF, Wildlife Management Areas ou WMA), soit des zones dans lesquelles préservation de la nature et développement économique sont censés aller de pair ; des zones dirigées par des représentants élus des différents villages, où les villageois sont bien souvent invités à prendre une part active aux projets touristiques.

Et c’est exactement ce que l’ONG tanzanienne Honeyguide Foundation a réalisé ces dernières années, avec l’appui du TDC, dans l’AGF Enduimet à la frontière avec le Kenya. Les 17.000 habitants de cette zone étendue sont majoritairement des Massaïs Ilkisongo. Traditionnellement éleveurs nomades, ils combinent à présent élevage et agriculture. En 2011 déjà, la Honeyguide Foundation les a encadrés pour former 60 villageois comme « wildscouts » en vue d’assister les gardes forestiers nationaux dans leur lutte contre le braconnage. Et c’est avec fierté qu’ils ont pu annoncer en 2013 qu’aucun éléphant n’avait été tué dans la zone.

La Honeyguide Foundation a par ailleurs aidé l’AGF Enduimet à rédiger le « Resource Zone Management Plan 2011-2016 ». Le soutien financier du TDC a essentiellement été investi dans la mise en place de projets touristiques gérés par les communautés locales. Les recettes générées servent à financer des projets communautaires. Cependant, le fait que la population envisage à présent la préservation de la nature comme une activité précieuse sur le plan économique s’avère plus important encore. Il s’agit concrètement de développer différents types de camps d’hébergement et de mettre en place des activités culturelles et d’aventure, comme des visites des villages massaïs (boma), des balades à dos d’âne ou encore des treks de pistage des animaux sauvages avec des guerriers massaïs. La Honeyguide Foundation accompagne l’ensemble du processus, y compris les efforts en termes de marketing comme un site Web et une page Facebook. 

Facebook
Twitter
LinkedIn
WhatsApp
Email
Print

Ce site utilise des cookies pour vous assurer la meilleure expérience utilisateur possible.