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Café : les consommateurs dégustent, les petits producteurs boivent la tasse

L’industrie du café nage en plein paradoxe. D’un côté, la boisson est plus consommée et appréciée que jamais à travers le monde. De l’autre, la rémunération des producteurs est au plus bas, à tel point que plus de la moitié d’entre eux vend aujourd’hui les fruits de son travail à perte…

Pour des millions, voire des milliards de personnes à travers le monde, il est impossible de commencer une journée sans lui. Agrémenté d’un peu (ou beaucoup) de sucre, arrosé d’un rien (ou d’énormément) de lait ou bien simplement noir, il est consommé à toutes les modes : filtre, expresso, capsule, soluble, prêt-à-boire, etc. Peut-être même êtes-vous en train d’en savourer en lisant ces lignes. Ce ne serait pas étonnant, puisqu’il s’agit de l’une des boissons les plus consommées de la planète. Chaque jour, ce sont environ deux milliards de tasses qui sont dégustées ou vite avalées. Vous l’aurez deviné, nous parlons bien sûr du café, un breuvage dont la production fait vivre plus de 25 millions de personnes dans les pays producteurs, une centaine de millions à travers le monde et qui génère quelque 90 milliards de dollars annuellement.

Les européens accros au café

En 2019, les plus grands consommateurs de café au monde seront, et c’est un peu surprenant, les Néerlandais, si l’on en croit le portail spécialisé en statistiques Statista1  Nos voisins du Nord en consommeraient 10,6 kilos par an et par habitant. Contrairement aux idées reçues – ce sont les habitants des pays nordiques qui boivent le plus de café. Derrière les Néerlandais, on retrouve en effet les Finlandais (9 kg), les Suédois (7,8 kg) et les Norvégiens (7,2 kg). Les Italiens, pourtant mondialement reconnus comme des inconditionnels de l’espresso, ne se classent qu’au dixième rang mondial (5 kg). Quant aux Belges, ils pointent au 13e rang (4,7 kilos). Étonnamment, les Mexicains, dont le pays est pourtant un producteur réputé, se contentent d’un demi-kilo de café par personne annuellement.

Les Européens sont donc les plus grands amateurs de café, avec pour conséquence logique que l’Union européenne en est le principal importateur. En 2018, l’UE a importé 3,1 millions de tonnes de café. Et au sein de l’Union, c’est l’Allemagne, avec 1,1 million de tonnes importées, qui mène la danse devant l’Italie (587.000 tonnes), selon les chiffres d’Eurostat. La Belgique a, elle, importé 277.000 tonnes de café en 2018 et pointe au troisième rang européen devant l’Espagne, la France et le Royaume-Uni. Tout le café importé par l’UE n’est cependant pas prêt à la consommation. Une grande partie est composée de café vert, c’est-à-dire qui n’a pas encore été torréfié. En 2018, ce sont plus de 1,8 million de tonnes de café torréfié qui ont été produites dans l’Union, pour une valeur de 10 milliards d’euros.

Le Brésil devant… le Vietnam

Au niveau mondial, la production de café vert a atteint, lors de la saison 2018/2019, 168,87 millions de sacs (Ms), en hausse de 3,7%, nous apprend l’Organisation internationale du café (OIC) dans son rapport du mois de septembre. Comme un sac pèse 60 kilos, cela représente donc une production globale supérieure à 10 millions de tonnes. Celle-ci est répartie presque exclusivement entre les variétés Arabica (102,68 Ms) et Robusta (66,04 MS), toutes les deux en augmentation, de 1,8 % pour la première et de  6,7 % pour la seconde.

À l’exception du Mexique et de l’Amérique centrale, la production caféière est en hausse dans toutes les régions productrices. Avec 3,7 millions de tonnes en 2018, le Brésil est l’incontestable numéro un mondial du secteur. Derrière, à distance respectable, on retrouve le Vietnam avec 1,8 million de tonnes de Robusta. Le pays du sud-est asiatique a dopé sa production depuis les années 2000 pour devancer la Colombie et s’affirmer comme le solide dauphin du géant carioca.

Brésil et Vietnam assurent à eux seuls environ la moitié de la production totale de café. Le premier est spécialisé dans l’Arabica, tandis que le second cultive exclusivement le Robusta. Par ailleurs, l’ensemble des exportations est en hausse de 9,2% par rapport à la campagne 2017/2018.

Crise des prix

Mais sous cette apparente bonne santé, l’industrie du café est en réalité en pleine crise. Le secteur connaît une seconde année consécutive d’excédents de production. La consommation mondiale n’étant estimée qu’à 164,82 Ms (+2,1 %), le surplus est donc de l’ordre de 4 millions de sacs. Ces excédents sont en grande partie responsables d’une chute des prix, observée sur les marchés depuis plusieurs années, qui exacerbe les difficultés auxquelles les producteurs locaux, en particulier les plus petits, doivent faire face.

Le cours du café

Le cours du café est fixé dans les bourses de matières premières: la bourse de New York traite essentiellement le café Arabica et celle de Londres le Robusta. Les actes d’achat et de vente du café reposent sur des contrats à terme. Les prix ainsi déterminés servent de points référence, parmi d’autres, aux producteurs et aux acheteurs lors des négociations commerciales.
Les détracteurs de la cotation en bourse du café font remarquer que les produits agricoles en général ne sont pas des marchandises ordinaires. Leurs caractéristiques physiques limitent la possibilité pour les producteurs d’ajuster l’offre séance tenante, ce qui s’accorde mal avec une logique de marché. Selon certains économistes, en l’absence de mécanisme régulateur de la production, de l’offre ou des prix mondiaux, le mécanisme du marché et de la concurrence entre producteurs et consommateurs donnerait lieu à un phénomène de « réaction excessive », caractérisé par l’apparition d’un cycle de surproductions et de pénuries.
Source: Wikipedia

En 5 ans, les prix du café ont été divisés par deux. En septembre dernier, l’Arabica Nature du Brésil se négociait à seulement 98,73 cents de dollar/livre.2 Les Colombie Doux et les Autres Doux affichaient respectivement 131,90 et 128,89 cents de dollar pour une livre. Quant aux prix des Robusta, ils ont connu en septembre leur moyenne mensuelle la plus basse depuis avril 2010: 70,64 cents de dollar/livre.
En plus d’une offre abondante, liée à une augmentation de la production au Brésil et au Vietnam principalement, et de la volatilité sur les marchés, alimentée par la spéculation, d’autres facteurs pèsent également sur les prix. 60% des producteurs vendent à perte.

Le taux de change de la monnaie brésilienne, le real, est au plus bas par rapport au dollar. Cet avantage concurrentiel permet aux grands producteurs cariocas de s’y retrouver financièrement, malgré les faibles prix. Sans oublier que les vastes exploitations du Brésil sont beaucoup plus mécanisées, et par conséquent plus productives, que les petites plantations d’Afrique ou du reste de l’Amérique latine.

Dans de nombreux pays comme le Honduras, le Mexique, le Burundi ou l’Éthiopie, ce sont encore les petits cultivateurs qui assurent l’essentiel de la production. Même en Colombie, troisième producteur mondial, 95% des quelque 550.000 fermes du pays mesure moins de 5 hectares. Et aux tarifs actuels, ces petites exploitations n’arrivent tout simplement pas à joindre les deux bouts… Selon Fairtrade International, environ 60% des producteurs vendent aujourd’hui leur café à perte. Cela signifie pour eux que les dettes s’amoncellent et qu’ils sont obligés de rogner sur tout, y compris l’alimentation, les soins de santé et l’éducation de leurs enfants.

Nestlé et compagnie ne connaissent pas la crise

Une vague de consolidations est en train de s’opérer parmi les entreprises acheteuses de café. Ce phénomène, qui devrait s’inscrire dans la durée, participe également à tirer les prix vers le bas. ‘Au fur et à mesure que les gros acteurs deviennent plus gros, les seconds couteaux du secteur voient leur importance se réduire, et ce même si leurs ventes augmentent…’, explique Matthew Barry, analyste pour le fournisseur de données stratégiques marketing Euromonitor3. Selon ce spécialiste, les entreprises qui nourrissent des ambitions régionales ou mondiales n’ont d’autre choix que de se développer. Dans le cas contraire, elles risquent de se voir avalées par leurs énormes concurrents.

Trois acteurs majeurs occupent le devant de la scène des acheteurs et multiplient les acquisitions: Nestlé (22% des achats de café en 2017), Jacobs Douwe Egberts (JAB, 11,5%) et Lavazza (2,5%). Cette dernière a récemment racheté la division café de Mars. Quant à Nestlé, propriétaire entre autres des célèbres marques Nescafé et Nespresso, le géant s’est offert les droits sur la commercialisation des produits Starbucks vendus au détail.
Les marges bénéficiaires dégagées par ces gros acteurs contrastent fortement avec celles des producteurs. Car pour les consommateurs finaux, les prix ne baissent pas. Selon le cabinet Bernstein Research, cité par Food Navigator, la marque Nestlé, par exemple, profite d’une marge bénéficiaire de 22% sur ses boissons liquides ou en poudre. Pour les produits estampillés Starbucks, la marge monte même à 24%.

« Nous sommes payés une misère », confirmait au printemps dernier Gustavo Echeverry, un caféiculteur colombien âgé de 50 ans, à l’AFP. « Je rêve de reprendre la ferme, de succéder à mon père et à mon grand-père », expliquait pour sa part Javier Jimenez, 19 ans. « Mais si la crise continue ainsi (…) je devrai chercher ailleurs et même partir pour les Etats-Unis. »

« Le problème de la migration est lié au café »

Partir, en quête d’un autre emploi. Cette extrémité est de plus en plus atteinte par les caféicultures afin d’échapper à la misère. Un article du Washington Post expliquait en juin dernier que les Guatémaltèques représentaient désormais la première source de tentatives d’entrée sur le territoire des États-Unis. Entre octobre 2018 et mai 2019, ce ne sont pas moins de 211.000 d’entre eux qui ont été arrêtés à la frontière avec le Mexique. Et l’un des facteurs les plus déterminants de ce véritable exode est la chute des prix du café.

Le quotidien américain cite l’exemple de la coopérative Hoja Blanca. Plus de la moitié de sa centaine de membres, ou un des leurs enfants, a émigré au cours des deux dernières années. D’ailleurs dans la région, les fermes abandonnées se multiplient. « Ce que nous constatons, c’est que le problème de la migration est en fait un problème lié au café », expliquait Genier Hernandez, à la tête de la coopérative. au Washington Post.
« Une part énorme de la migration à la frontière sud des États-Unis est due à la chute des prix du café », confirmait Ric Rhinehart, ex-directeur de l’organisation des professionnels du café Specialty Coffee Association of America, dans le même article. « Nous craignons tous que nous ne soyons arrivés à la fin d’une époque, où la caféiculture était un mode de vie pérenne en Amérique centrale. »

La pression du changement climatique

Comme si la chute des prix ne suffisait pas, le changement climatique pousse également les coûts de production à la hausse. Et les petits cultivateurs, contrairement aux plus grosses structures, disposent d’une marge de manœuvre réduite pour lutter contre ses conséquences. Dans beaucoup de régions jusqu’ici propices à la culture du café, les périodes de sécheresse s’allongent et se multiplient, les épisodes de pluie violente s’intensifient, entraînant une augmentation de l’érosion et des glissements de terrain, les épidémies (trachéomycose, rouille du caféier…) se font de plus en plus dévastatrices, etc. La superficie caféière mondiale pourrait ainsi être réduite de moitié d’ici 2050.

Dans les montagnes de Colombie, par exemple, la température augmente de 0,3 degré par décennie, révèle une étude publiée en avril dernier par l’agronome Peter Baker et relayée par la Yale School of Forestry and Environmental Studies. Le nombre d’heures d’ensoleillement a par ailleurs décliné de 19% depuis le milieu du 20e siècle à cause d’une couverture nuageuse plus dense. Or, les caféiers sont très sensibles aux conditions météorologiques, particulièrement les Arabica. Ils ont besoin d’une température et d’une quantité d’eau bien précises. L’altitude optimale pour cultiver du café a donc tendance à grimper. Les producteurs qui en ont la possibilité essaient de suivre le mouvement, mais cette fuite en avant a ses limites.

Pour lutter contre la sécheresse, certains planteurs installent des systèmes de récolte d’eau de pluie afin de mieux irriguer leurs arbres. Cependant, une installation de ce type n’est accessible qu’à ceux qui ne sont pas déjà aux portes de la pauvreté… C’est pourquoi d’autres choisissent tout simplement d’arracher leurs caféiers pour faire place à des cultures plus rentables, comme l’avocat ou la coca, ou alors convertissent leurs terres en pâturages.
« N’importe quel choc négatif (maladie, sécheresse, prix bas…) est ressenti de façon disproportionnée par les personnes qui ont le moins de capacités à les absorber », explique Hanna Neuschwander, responsable communication pour l’organisation de recherche agricole World Coffee Research, dans l’article de la Yale School. « Au cours des 50 prochaines années, nous allons assister à un phénomène de consolidation où seuls les producteurs les plus efficients pourront survivre sur le marché. 

Recherches scientifiques à mener…

Selon elle, l’industrie du café ne pourra faire face aux conséquences du dérèglement climatique que grâce à des recherches scientifiques, menées localement, pays par pays, afin d’adapter les cultures aux changements.
C’est la raison pour laquelle World Coffee Research, sous l’impulsion de son directeur scientifique Christophe Montagnon, a fait de la préparation au changement climatique la priorité des priorités. « Mon but ultime est que, grâce à notre travail, les planteurs de café aient accès au progrès génétique à travers des variétés améliorées dans les années qui viennent »4
La seconde priorité de Christophe Montagnon concerne la qualité du café. « Le café n’est pas indispensable à la survie d’un être humain; on va le boire pour le plaisir. Aussi la qualité est-elle extrêmement importante. L’industrie, aujourd’hui, l’a bien compris: pour que les gens produisent du café, il faut qu’ils aient intérêt à le faire et pour qu’ils aient cet intérêt, il faut que la culture du café soit rentable. »

… Mais biodiversité en danger

Le commerce mondial du café repose actuellement sur deux espèces seulement: l’Arabica, qui représente environ 60% de la production, et le Robusta, autour de 40%. Pourtant, en plus des variantes sauvages des deux espèces précitées, il en existe encore 122 autres répertoriées, rappelle Aaron Davis, directeur de la recherche sur le café pour les Jardins botaniques royaux de Kew au Royaume-Uni.5 Et celles-ci poussent naturellement dans les régions tropicales d’Afrique, de l’Océan Indien ou d’Asie.

Or, plus de la moitié (60%) de ces variétés sauvages de caféiers, que les exploitations industrielles dédaignent, sont aujourd’hui menacées d’extinction. Elles pourraient pourtant se révéler très utiles à la culture du café à grande échelle, grâce par exemple à des traits de tolérance à différents climats ou de résistance à la sécheresse, aux maladies ou aux nuisibles. Certaines espèces recèlent des taux de caféine plus élevés ou plus faibles, d’autres encore des qualités gustatives inexploitées, etc. Le docteur Davis rappelle d’ailleurs que le Robusta est passé d’une exploitation africaine méconnue à 40% du café produit mondialement grâce à des qualités qui, à un certain moment, ont fait défaut à l’Arabica. Des qualités de résistance à la rouille du caféier, au fort ensoleillement, une productivité plus élevée, un haut taux de caféine, etc.

Arabica ou Robusta

Les principales différences entre le café Arabica et le Robusta sont la taille et la forme du grain, les conditions de pousse différentes, les arômes, ainsi que le taux de caféine.

En bouche, l’Arabica se caractérise par des arômes fins, variés et prononcés. Il est parfumé, doux et sans amertume. Le Robusta possède un goût plus amer et corsé. Il est puissant, terreux et riche en caféine. « Parmi les espèces de café menacées d’extinction figurent celles qui ont le potentiel pour développer le café du futur », insiste Aaron Davis. « L’utilisation et le développement des ressources sauvages du café pourraient être la clé de la pérennité du secteur à long terme. Des actions ciblées sont nécessaires d’urgence dans plusieurs pays tropicaux, en particulier en Afrique. »

En Ethiopie par exemple, plus grand exportateur de café d’Afrique et pays d’origine de l’Arabica, la variante sauvage de cette espèce est aujourd’hui encore une source importante de semences et de résistance aux maladies. « Nous espérons que nos découvertes seront utilisées pour orienter le travail des scientifiques, des politiques et du secteur du café pour sécuriser l’avenir de la production. Pas seulement pour les amoureux du café à travers le monde, mais aussi comme source de revenu pour les communautés agricoles de pays qui comptent parmi les plus pauvres de la planète », conclut-il.

Commerce équitable…

Changement climatique, surproduction ou encore fluctuations sur les marchés, tous ces éléments jouent donc un rôle déterminant dans la crise du café. Mais le plus petit dénominateur commun du problème demeure la rémunération trop faible des producteurs.

Remédier à cela est l’objectif principal poursuivi par les différentes organisations de commerce équitable qui collaborent avec des cultivateurs à travers le monde. Fairtrade International, Oxfam, Fairwild, Etiquable, etc… La liste des labels ou des réseaux spécialisés s’allonge, signe d’une prise de conscience globale sur la manière dont les matières premières sont achetées aux producteurs du Sud. Ces organismes ont en commun de vouloir leur garantir des prix et des salaires justes, tout en respectant des critères sociaux, environnementaux ou de gouvernance.

Sur son site, Fairtrade International explique que les quelque 800.000 caféiculteurs avec qui l’organisation collabore bénéficient d’une protection contre la fluctuation des prix en période de crise. L’organisation garantit un prix d’achat minimum de 1,40 dollar la livre de café (1,70 pour le café bio), bien supérieur au prix du marché. Mais pour sortir durablement de la crise actuelle, Fairtrade n’entrevoit qu’une seule solution: que les entreprises acheteuses de café paient un prix décent aux producteurs, c’est-à-dire un prix qui couvre leurs coûts de production bien sûr, mais qui leur assure également un revenu suffisant pour se loger, se nourrir, couvrir les soins de santé et financer l’éducation de leurs enfants.

… Système inéquitable

Mais le commerce équitable n’est pas la panacée. D’ailleurs, Fairtrade International reconnait que même ses prix planchers ne permettent pas d’assurer un revenu convenable à bon nombre des producteurs avec qui elle collabore. Car n’oublions pas qu’entre le prix d’achat et le montant perçu par le producteur viennent encore souvent se greffer des frais de fonctionnement, de transport, etc.

Une solution, envisagée par la Colombie au début de l’année, est de s’affranchir des marchés, trop liés à la production brésilienne, pour vendre son café à un prix couvrant les coûts de ses producteurs, c’est-à-dire entre 1,40 et 1,50 dollar la livre. « Si vous voulez le café, vous payez le prix, si vous ne le voulez pas, vous ne l’achetez pas. Sinon le café colombien n’est pas viable », expliquait alors le patron de la Fédération Nationale des Cafeteros de Colombie, Roberto Vélez.6 Cependant, pour être adoptée, cette proposition devra d’abord s’assurer de l’appui des planteurs colombiens, d’autres producteurs d’Arabica à l’étranger, ainsi que des acheteurs…

Xaver Kitzinger, cofondateur de l’entreprise berlinoise Kaffee-Kooperative, milite lui pour un changement radical de la chaîne d’approvisionnement du café. Dans un article de l’agence de  presse Reuters, il estime que « le commerce équitable, c’est bien, mais qu’il ne s’agit finalement que d’une meilleure pratique dans un système inéquitable. » Selon lui, « il faut totalement changer les règles actuelles pour faire une véritable différence pour les producteurs. » C’est pourquoi son entreprise s’est associée à une coopérative au Rwanda qui vend du café non seulement cultivé localement, mais également lavé, torréfié et emballé sur place, avant d’être envoyé en Europe.

« L’industrie du café a été conçue de façon à soutirer le plus d’argent possible aux pays du Sud », confirme Peter Kettler, responsable de la filière café chez Fairtrade International.7 « Sur le plan commercial, cela fonctionne, cela génère du profit, mais en allant à l’encontre de l’intérêt des cultivateurs. » Il cite en exemple à suivre le rapport publié en octobre par le professeur d’économie Jeffrey Sachs, de l’Université de Columbia, qui préconise l’instauration d’un prix minimum pour les cultivateurs et la mise en place d’aides pour qu’ils puissent vendre directement aux consommateurs. Cela leur permettrait de mieux s’adapter au dérèglement climatique et leur donnerait de meilleures chances de poursuivre leur activité. Car « si rien ne change, dans 20 ans, nous n’aurons que deux choix en entrant dans un café: du Brésilien ou du Vietnamien », conclut Peter Kettler.


TDC, Octobre 2019

Photos
(1) Cerises de café – Copyright  Bioversity International, M.Hermann.
(2) Rouille du café, Bolivie – Copyright Neil Palmer (CIAT). 
(3) Grains de café Arabica
(4) Séchage du  café dans la coopérative Koakaka au Rwanda, une coopérative appuyée par le Trade for Development Centre, Copyright Josiane Droeghag, TDC
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