Pachamama, ça veut dire « terre-mère », dans la culture indienne d’Amérique latine. La Pachamama, c’est la terre nourricière et c’est une femme. Cela tombe bien car c’est aussi le nom d’une coopérative belge qui vend des articles pour enfants, en total respect pour les gens qui les produisent et leur environnement.
Isabelle Steenebruggen est ce qu’on appelle une « mompreneur », une maman entrepreneure. Le TDC a rencontré cette mère de deux enfants à l’origine de La Pachamama, une coopérative à finalité sociale.
Quel est votre parcours ?
Après une formation de traductrice, j’ai vécu quelques années en Espagne et je suis revenue en Belgique où j’ai passé 10 ans à la Commission européenne, notamment à la coopération au développement. J’ai voyagé en Amérique latine et en Asie, et quand j’ai eu des enfants, je me suis associée à deux autres personnes pour créer ce projet.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans l’aventure, à créer votre entreprise ?
Née en 2008, La Pachamama propose des produits pour enfants, principalement des jouets, fabriqués de façon artisanale, avec des matières naturelles et dans le respect de la dignité humaine. Elle est née d’une envie d’offrir à nos enfants des produits qui correspondent aux valeurs de nous voulons leur transmettre. « La Pachamama », c’est la déesse mère des incas. Nous avons choisi ce nom car il symbolise en même temps le lien nord-sud, le lien à la Terre et le lien parents-enfants.
Nous sélectionnons rigoureusement nos produits selon des normes élevées de qualité et de sécurité. La valeur ludique du jouet est importante à nos yeux, ainsi que le potentiel de liens que le jeu va créer entre les joueurs, toutes générations confondues.
Nous avons commencé en 2008 par de la vente en ligne pour les particuliers, et nous sommes très vite passés à l’import et la distribution. La Pachamama est aujourd’hui le seul distributeur de jouets membre de la fédération belge du commerce équitable. Nous travaillons avec nos partenaires principaux depuis le début, avec une volonté de nourrir une relation sur le long terme pour avoir un grand impact positif sur nos producteurs, principalement au Sri Lanka.
Justement, quelle est l’offre de produits de La Pachamama ?
Nous vendons des jouets en coton, des jouets en bois, des livres jeunesse, des jeux de société coopératifs, des accessoires de bagagerie scolaire et de mode enfant. Tout est confectionné à la main par des personnes qualifiées et rémunérées dignement, et répond aux normes de sécurité les plus strictes.
Pour vous, le lien entre dignité et plaisir d’offrir semble évident !
Quand on me demande « pourquoi des jouets ? », je trouve que la réponse « pour transmettre des valeurs aux enfants » est insuffisante. J’ai choisi spécifiquement le jouet -comme j’aurais pu choisir les articles cadeaux en général-, parce que personne n’est obligé d’acheter un jouet. Tout le monde doit s’habiller, acheter à manger, etc., mais un jouet, c’est futile. Personne n’en a vraiment besoin, aucun enfant n’a besoin de plus de trois ou quatre jouets.
La seule raison pour laquelle on en achète, c’est pour faire plaisir à quelqu’un qu’on aime. Il y a toujours de l’amour dans l’achat d’un jouet. C’est en cela que la futilité est touchante : on n’offre pas pour satisfaire un besoin de base, mais pour faire plaisir à quelqu’un de très spécial : à un enfant.
Que l’on soit parent, grand-parent, parrain, etc. Un jour j’ai vu une grand-mère serrer dans ses bras un puzzle qu’elle venait d’acheter pour son petit-fils. Elle l’avait choisi avec beaucoup de soin et c’était déjà son petit-fils qu’elle serrait dans ses bras. C’est là tout le sens de notre métier : faire de cet achat futile, de ce geste d’amour, un achat dont on n’aura pas honte, parce qu’il est plein de bon sens. Car le bon sens, lui, n’est pas futile.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans le cadre de la commercialisation des produits ?
Le marché du jouet est extrêmement compétitif et beaucoup d’opérateurs ne s’imposent pas les mêmes contraintes que nous. En plus de cela, il est très réglementé dans l’Union européenne, par sécurité pour les enfants. Enfin, nous visons aussi une haute qualité. Ces trois aspects nous amènent à payer nos fournisseurs plus cher, et bien plus tôt, que nos concurrents. Il est donc difficile de constituer de la trésorerie et de générer des bénéfices.
Mais malgré cela, grâce à une construction de prix différente, nous arrivons à un prix final cohérent avec le marché et nos produits sont très appréciés. Comme nous sommes à finalité sociale, générer du bénéfice n’est pas une fin en soi : nous le réinvestissons dans la coopérative pour la poursuite de son objectif social (faire du commerce équitable) et pour l’amélioration de notre impact sur nos fournisseurs.
La Pachamama est-elle une entreprise en croissance ?
Nous avons la chance d’avoir un public fidèle et qui suit nos marques dans nos boutiques clientes. Ce public grandit d’année en année car de plus en plus de personnes se posent des questions sur les implications de leurs achats. Le secteur du jouet en général ne se porte pas très bien, on a vu beaucoup de faillites en Belgique (La Grande Récré, etc). La Pachamama est dans un secteur porteur et continue de grandir, ce qui prouve que nous répondons bien à une demande.
La réussite de La Pachamama n’est-elle pas l’arbre qui cache la forêt ?
Il y a eu plusieurs petites entreprises de commerce équitable comme La Pachamama qui se sont lancées il y a une dizaine d’années. Je constate que, après être passées par des années difficiles, elles se portent plutôt bien et prospèrent. C’est très encourageant !