« Ce qui est possible en France devrait l’être aussi Bénin ! » Avec cette idée en tête, Edgar Déguénon rentre au pays en 2008 après un stage en France où il a découvert nombre de projets alliant agriculture biologique et vente en circuit court. Des projets à même de résoudre plusieurs problèmes rencontrés par les agriculteurs béninois, comme le recours massif aux pesticides et son cortège de problèmes de santé. Ou encore les longues chaînes d’approvisionnement où les nombreux intermédiaires exercent une pression à la baisse sur les prix payés aux agriculteurs.
Dix ans plus tard, l’AMAP est une petite organisation en quête d’un marché intérieur pour ses produits bios, et pionnière dans la mise en relation des producteurs et des consommateurs.
Paniers de fruits et légumes
Les « Amapiens », telle est l’appellation donnée par l’AMAP aux familles abonnées à une livraison hebdomadaire d’un panier de fruits et de légumes. À ses débuts, il y a dix ans, Edgar comptait 25 Amapiens ; ils sont à présent plus de 700. Les produits proviennent de 200 agriculteurs certifiés bio via le Système de garantie participatif (SGP), un dispositif local assurant la qualité de la production par l’établissement d’une relation de confiance, de transparence et de solidarité entre les consomm’acteurs et les producteurs. Chaque abonné achète des produits saisonniers sains et cultivés localement, tout en préfinançant les commandes. Seul intermédiaire, l’AMAP compose les paniers en fonction de la récolte disponible.
Appui belge
Entre 2015 et 2017, le Trade for Development Centre (TDC) a décidé de donner un petit coup de pouce au travail de pionnier réalisé par l’AMAP. Les obstacles à surmonter sont en effet conséquents dans un pays comme le Bénin. La nourriture bio y est encore relativement inconnue et a la réputation d’être chère et non fiable. La concurrence des importations bon marché de qualité douteuse est très forte et les problèmes logistiques sont légion.
Dans un premier temps, des dizaines de formations ont été organisées dans les champs-écoles, essentiellement sur les bonnes pratiques de culture biologique, la conservation des aliments, le compostage ou encore la certification. Il s’en est logiquement suivi une amélioration de la qualité, ce qui a permis de lancer une nouvelle marque : « AMAP Selection ». Ella a pu être étendue à d’autres régions du pays grâce à l’identification de nouvelles sources d’approvisionnement et de nouveaux partenaires de distribution. Pour l’heure, les Amapiens peuvent retirer leurs paniers commandés à Cotonou, Calavi ou encore Porto Novo.
La diversification de l’offre constituait un autre volet du projet, qui s’est en premier lieu focalisé sur la production de jus de fruits bio, notamment d’ananas, de mangue, de baobab, de gingembre ou de tamarin. Une quarantaine de petits transformateurs avec lesquels collabore l’AMAP ont bénéficié d’une formation sur les exigences techniques et hygiéniques de la production de jus. Des expériences ont de même été menées avec des épices et des herbes aromatiques, de la purée de tomate, des chips de banane et d’autres produits.
Coaching en marketing
Entre 2016 et 2018, l’AMAP a bénéficié d’un coaching en marketing par le TDC pour travailler sur l’avenir commercial de l’organisation.
La recherche de nouveaux débouchés figurait en tête des priorités. Des exemples français et belges de filières courtes ont régulièrement servi de source d’inspiration. L’élargissement du nombre de points de distribution de paniers de fruits et légumes s’est très vite avéré important. Certains clients ont demandé à être livrés à domicile, mais cela n’est pas faisable d’un point de vue logistique.
Pour les jus bios, la prospection s’est concentrée sur de petits supermarchés, des hôtels et des cafés. Quant au magasin à Aibatin, un quartier de Cotonou, il a lui aussi été amélioré. Au départ, celui-ci n’était rien d’autre qu’un dépôt transformé, à peine rentable en raison des coûts élevés. La décision a été prise de changer totalement de cap et de s’attaquer, avec la coach du TDC, à la promotion en façade, à l’aménagement du magasin et à la présentation des produits.
Le coeur du problème
Entre 2014 et 2017, le nombre de producteurs certifiés est passé de 125 à plus de 200, et le chiffre d’affaires a plus que doublé. Une solide progression ! « Beaucoup de choses ont changé. Nous sommes dorénavant plus forts et mieux en mesure de convaincre les clients », évalue Alvires, l’un des collaborateurs de l’AMAP, au terme des sessions de marketing. « J’ai pu observer une dynamique positive émaillée de nombreuses discussions passionnantes sur le cœur du problème », ajoute la coach du TDC, Christine Englebert. Que faire, par exemple, lorsqu’il s’avère que les jus bio sont nettement plus chers que les jus de fruits proposés par ses concurrents ? Il n’est toujours pas évident de convaincre les habitants de l’importance du bio. Réduire les marges des producteurs ou des transformateurs est certes une option, mais vous courez alors des risques en termes de qualité de votre produit : les transformateurs pourraient, par exemple, être tentés d’ajouter plus d’eau aux jus.
Conclusion de l’équipe : « Nous sommes regonflés à bloc par les progrès accomplis et nous poursuivons nos efforts, car nous avons l’intention de mettre en place une filière équitable pour tous et sensibiliser les personnes à l’importance des produits bio et sains. »
Source d’inspiration pour les autres
Quoi qu’il en soit, le projet a mis en évidence le rôle pionnier de l’AMAP. Tant la Coopération belge (Enabel) que la Coopération allemande (GIZ) font aujourd’hui appel à l’AMAP pour un partage d’expériences avec d’autres groupes au Bénin et en Afrique de l’Ouest.
Chiffres
De décembre 2015 à décembre 2017, le TDC a fourni un appui financier de 64.973.81 €. Différentes sessions de coaching en marketing ont de même eu lieu durant cette période et l’organisation pouvait bénéficier d’un budget marketing de 51.496 €.
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