Aba Sholi, la qualité à tous les niveaux

Au Rwanda, Aba Sholi produit un café reconnu internationalement. Grâce au coup de pouce de Valérie Vangeel, coach du Trade for Development Centre d’Enabel, la coopérative a pu mieux se positionner, augmenter son chiffre d’affaires et élargir sa vision.

Au Rwanda, le café représente plus de 6% du PIB. Même si ce n’est pas un produit de consommation locale, et même si le pays, avec ses 15.000 tonnes destinées à l’exportation, est un “petit” exportateur à côté des 385.000 tonnes exportées à travers le monde par le Kenya, 400.000 familles rwandaises vivent de la culture du café, introduite par les Allemands au tout début du XXe siècle. Voilà où nous mettons les pieds.

Quant à la coopérative Aba Sholi qui nous occupe, elle se trouve dans la région de Muhanga, auparavant nommée Gitarama. Muhanga, c’est à la fois une ville et le chef-lieu du district, dans la Province du Sud du Rwanda, connue localement pour sa prison. À une heure de Kigali, sur la route vers Butare, la coopérative Aba Sholi s’est construite autour des plantations dont elle regroupe les productions.

Après avoir atteint Muhanga, il faut encore rouler une bonne demi-heure “parce qu’ils se sont vraiment implantés au milieu de la culture du café”, nous explique la coach Valérie Vangeel qui s’y est déplacée quatre fois en trois ans. “Pour y arriver, vous traversez de nombreux petits villages qu’ils ont aidés en construisant un dispensaire, par exemple.”

Une coopérative qui évolue très positivement

Une fois sur place, Aimable Nshimiye, directeur d’Aba Sholi, vous accueille pour une dégustation ou une visite : “Le coaching mené avec Valérie grâce au Trade for Development Centre d’Enabel entre 2017 et 2019 a été hautement bénéfique à notre coopérative. Vous pouvez en voir les effets, non seulement à travers les outils marketing que nous utilisons aujourd’hui quotidiennement pour présenter la coopérative aux acheteurs – site web et ses mises à jour, réseaux sociaux et les posts que nous publions, brochures qui aident nos partenaires à mieux cerner nos activités, etc. – mais aussi dans nos manières même de travailler. Notre comptable, par exemple, a accès à des connaissances qu’il n’avait pas auparavant. Moi-même, j’ai beaucoup appris au niveau stratégique. J’ai appris à travailler la vision, comment maintenir ses objectifs, la compétitivité et un réseau professionnel. Je ne maîtrisais pas forcément tous ces éléments de stratégie marketing auparavant.”

Comment se sont passées les premières séances de coaching ? Valérie Vangeel résume : “On a repris à la base : le chiffre d’affaires, c’est le volume multiplié par le prix au kilo. Donc pour essayer d’augmenter le chiffre d’affaires, il faut soit augmenter le volume, soit le prix au kilo. Notre travail pendant 3 ans, ça a été ça !” Pour augmenter sa marge bénéficiaire, Aba Sholi réfléchit à comment optimiser ses coûts sur les conseils de sa coach. “Pour travailler le volume, il a fallu recruter plus de membres, mais aussi travailler le rendement des plants de café via une sensibilisation des producteurs à de meilleures manières de cultiver les parcelles. Concernant l’augmentation du prix au kilo, on a creusé différentes pistes pour y parvenir : amélioration de la qualité du produit devenu entre-temps bio et amélioration du marketing, du storytelling autour du café d’Aba Sholi.”

Un développement organisé autour de la qualité

La qualité de la cerise de café et la qualité du processus de traitement et de lavage ont augmenté les dernières années grâce au rôle très important d’un membre du staff : le responsable production et qualité. “Ils ont un vrai responsable production et qualité qui opère une sélection drastique. Aba Sholi reçoit des prix pour la qualité de son café. La coopérative vérifie la qualité de la production et responsabilise ses membres pour il n’y ait pas de mauvaises surprises à la livraison”, explique Valérie Vangeel. “Nous avons particulièrement travaillé cet aspect lors du coaching : le café devait être irréprochable et nous devions parvenir à diminuer les coûts de production”. À partir de 2018, 100% de la production dite de “première catégorie” est destinée à l’export via neuf clients différents, principalement européens. Même si ce chiffre a pu varier depuis, la grande majorité de la production reste toujours tournée vers le marché international.

Commence alors la diversification du côté des producteurs. « L’idée est de ne pas faire que du café pour éviter un trop grand niveau de dépendance. » Aba Sholi accompagne aussi ses membres vers une meilleure résilience face aux changements climatiques, et notamment face aux inondations qui touchent de plus en plus souvent la région. Le suivi de la production a évolué en ce sens : « Ici, l’objectif est d’essayer de perdre le moins possible de production », explique Aimable Nshimiye, “On plante différemment, avec d’autres variétés d’arbres, complémentaires, pour empêcher l’érosion. On se sert aussi du compost pour être plus durable et résilient. Bref, on met en place différents plans avec l’aide d’un expert kényan qui a déjà pu nous rendre visite à 4 ou 5 reprises ». Pour Aba Sholi, les changements climatiques engendrent déjà des difficultés pour maintenir l’excellente qualité naturelle de ses cerises cultivées en hauteur, un atout majeur de la coopérative. 

Des installations nouvelles

Les infrastructures se sont aussi bien développées au fil des dix années d’existence de la coopérative : “La première fois que je suis venue en 2017, il y avait principalement un bureau, une grange de stockage et quelques tables de séchage pour les cerises”, se souvient Valérie Vangeel. En 2018, avec l’aide d’une ONG hollandaise qui les subventionne, Aba Sholi a construit un laboratoire pour pouvoir torréfier directement sur place le café, recevoir les acheteurs et organiser des dégustations. Leurs infrastructures comptent également une station de lavage et les machines nécessaires au traitement des eaux usées des bassins de flottaison, infrastructure pour laquelle ils ont reçu une certification.

Puis, il faut encore parler du service aux clients. “Durant le coaching, on s’est aussi demandé comment les clients resteraient satisfaits. En jouant sur les délais de livraison, par exemple. En ayant des prévisions plus précises sur les quantités disponibles à la vente. Tout cela a été mis en place via des efforts de planification. Puis, exporter, c’est beaucoup de paperasse, le suivi administratif est devenu irréprochable.”

Une coopérative très attentive au bien-être de ses membres

En quelques années, le nombre de membres affiliés à la coopérative a significativement augmenté, passant de 334 membres en 2017 à 600 aujourd’hui. De quatre employés en 2017 (directeur, comptable, responsable production et qualité et caissière), la coopérative est passée à 21 personnes. Quant au conseil d’administration (CA), c’est un exemple en matière d’inclusion puisque plusieurs femmes y détiennent des postes à responsabilités. Outre les dispensaires dans les villages évoqués plus haut, la coopérative propose des micro-crédits, assurances maladies, formules d’épargne et autres actions sociales bénéfiques à la communauté autour de Muhanga. Et cela ne s’arrête pas à ces actions, car, plus directement encore, Aba Sholi fait preuve d’une politique de paiements à l’avantage de ses productrices et producteurs : “Aba Sholi n’attend pas que le café soit vendu aux acheteurs pour rémunérer ses producteurs. Elle les paie à la livraison, ce qui permet à ces derniers de disposer d’une meilleure trésorerie”, fait remarquer Valérie Vangeel. C’est la coopérative qui emprunte les montants nécessaires à l’achat des cerises. Elle paie aussi une bonnasse, c’est-à-dire une prime versée en novembre et répartie entre les membres. 

Une attention aux détails portée par toute une coopérative

Quel souvenir Valérie garde-t-elle de l’expérience avec Aba Sholi : “C’était très frappant. Au début, quand je posais une question, tout le monde se tournait vers le directeur. On a commencé à travailler à quatre et on a fini à neuf, car le directeur a su adapter sa gestion d’équipe. Historiquement, c’était très hiérarchique, mais l’empowerment a eu lieu parmi le staff, ce qui n’est pas un défi facile à relever. Arriver à une confiance collective demande en effet des efforts chez tout le monde.

Ces questions que nous évoquions (volume/prix/coût), les membres s’en sont saisis. Par exemple, les femmes en charge du tri sont conscientes que leur travail va avoir un impact sur le prix du produit. Cela permet de réfléchir collectivement aux coûts et de les diminuer par des efforts aux différentes étapes de la chaîne de production. Plusieurs personnes se sont aussi entraînées à accueillir un acheteur.” Ces changements de culture au sein de la coopérative se sont traduits dans les prix du café, mais pas que.J’ai pu voir certaines productrices appliquer ces outils sur les ananas qu’elles vendent sur le marché local. C’est un effet boule de neige !”

Pour Aimable Nshimiye, les déplacements de la coach, sa flexibilité et la mise en place d’un agenda de travail ont fait une vraie différence que n’aurait pas pu remplacer un coaching en ligne : “J’ai amélioré ma confiance en moi face aux acheteurs. Lorsque l’on se déplace dans les foires, ce n’est plus la même chose.” Valérie Vangeel confirme : “Ce n’est pas qu’une question d’outils de communication, même si ceux-ci sont essentiels, c’est aussi une attitude nouvelle.” Pour cela, les spécificités du coaching du TDC sont marquantes : “Aller de l’individuel au collectif et permettre la conscientisation de l’ensemble de l’équipe qui peut prendre le relais de la direction, cela a un réel impact. Cela change le regard des acheteurs : le financier leur parle des finances et le responsable qualité leur montre la station de lavage.”

Propos recueillis par Charline Cauchie
Photos: Valerie Vangeel

 

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