Le Guichet d’Economie Locale (GEL) Sud Bénin, représenté par son Directeur Général Geoffroy Mele reçoit jusque fin 2022 l’appui de deux coaches du TDC. Isabelle Van Pachterbeke est l’une d’elles. Elle est en charge du volet financier et organisationnel. Retour sur une expérience riche en enseignements.
Geoffroy Mele est le directeur général du Guichet d’Economie Locale (GEL) Sud Bénin depuis les débuts de l’organisation en tant que structure indépendante en 2013, après le retrait de Louvain coopération de la structure [cf. encadré sur Louvain coopération avec Vincent Henin, NLDR]. Nous avons rencontré Geoffroy Mele lors de sa venue en Belgique en novembre 2021. Il faisait le déplacement afin d’interagir avec différents acteurs de l’économie sociale et de l’accompagnement des entreprises. L’occasion de faire le point avec Isabelle Van Pachterbeke, coach pour le Trade Development Centre (TDC) d’Enabel, qui a plus particulièrement accompagné le GEL Sud Bénin sur les plans managérial et organisationnel.
GEL Sud Bénin : Nécessité de se démarquer et de se professionnaliser
D’abord, Geoffroy Mele nous replonge dans l’historique du GEL Sud Bénin : “Gel Sud est une structure née de l’initiative de Louvain coopération, mais qui a pris son autonomie en 2013. Pour continuer nos missions d’accompagnement des entrepreneurs béninois en milieux rural et péri-urbain, nous avions besoin de nous professionnaliser et de nous spécialiser, c’est-à-dire de nous démarquer des acteurs déjà présents dans l’accompagnement d’entreprises sur le territoire béninois. L’idée de ce coaching via le TDC était de travailler avec l’ensemble de l’équipe du GEL sur sa capacité à coacher, sur son professionnalisme et sur son offre de services. C’est dans ce sens que nous avons répondu à l’appel du TDC. Notre but était de renforcer notre leadership dans notre branche. Nous étions particulièrement demandeurs d’améliorer les volets marketing, finance et organisation. Il faut dire que nous rencontrions également un problème de turnover au sein de nos équipes. Peut-être n’offrions-nous pas le meilleur cadre de travail ? Ces différents besoins nous ont poussé à répondre à l’appel.”
Après, un état des lieux réalisé par Groupe One qui confirme les constats posés par le GEL Sud Bénin, celui-ci est retenu par le TDC. Le travail avec deux coachs, Valérie Vangeel pour la partie marketing et Isabelle Van Pachterbeke pour la partie gestion financière et organisationnelle, peut commencer. Geoffroy Mele raconte ce que les coachs du GEL Sud Bénin ont retenu de l’expérience : “Nos 10 coachs au sein du GEL Sud Bénin ont travaillé avec Valérie Vangeel et Isabelle Van Pachterbeke sur leurs postures : comment aborder les entrepreneurs, comment adopter une attitude professionnelle avec des outils solides, mais aussi avec une vision. Car, comme j’aime à le répéter, il faut être soi-même entrepreneur pour accompagner des entrepreneurs. Grâce à elles, on a beaucoup appris sur les innovations et la réflexion actuelles dans les métiers de l’accompagnement des entrepreneurs. On s’est structuré aussi. Et nos outils sont plus solides désormais.”
“Je peux plus facilement sortir des carcans pour apporter des solutions innovantes”
La professionnalisation des équipes se ressent dans la qualité des accompagnements que propose le GEL Sud Bénin aujourd’hui : “Oui, car, forcément, quand je me sens plus aguerri, cela coule entre moi, coach, et les coachés. Je peux plus facilement sortir d’un carcan pour proposer des solutions personnalisées et innovantes aux différents cas rencontrés”, affirme Geoffroy Mele.
Le travail avec les deux coachs a commencé en 2020. Les bouleversements liés à la crise sanitaire du Covid-19 sont passés par là : “On a connu une année très difficile”, reconnait Geoffroy Mele, “Les coachings en ligne, c’était une vraie galère à cause des problèmes techniques. La qualité de la connexion ne permettait pas de faire le travail correctement, malgré toutes nos bonnes volontés réunies. On a donc entamé un coaching individualisé pour moi et le chef de département du GEL. Mais les soucis techniques n’ont pas permis là non plus d’avancer. Cela a été six mois de tâtonnements avant la venue de Valérie pour une première session en mars 2021 qui a permis de travailler sur nos besoins en posant le diagnostic. On a également pu travailler le vocabulaire et les nuances entre coach, formateur, etc.”
Après la session de mars en présentiel, le coaching individualisé a continué pour Geoffroy Mele seul à un rythme de deux sessions en ligne par mois durant une grande partie de l’année 2021 : “J’ai pu me poser la question de mes défis en tant que Directeur Général par rapport au GEL. C’est un exercice que le quotidien ne me permet pas forcément de faire. J’ai aussi pu aborder avec les deux coachs le sujet du management d’équipe. Au besoin, se joignaient à nous la responsable administrative et financière et le responsable de la digitalisation et TIC (Technologie de l’Information et de la Communication).” Isabelle Van Pachterbeke confirme : “Malgré le fait que ces sessions ont été chaotiques à cause de soucis techniques, nous avons pu avancer sur le problème du turnover déjà mentionné par Geoffroy. Il y a un véritable enjeu de consolidation de l’équipe et de dynamique d’équipe qui, selon moi, passera par deux choses. D’abord, par le management avec des défis à relever sur le fonctionnement interne : il y a des attentes dans l’équipe de plus grande structuration interne et de consolidation du GEL. Et, d’autre part, cela passe par la professionnalisation de l’équipe : le travail sur la posture signifie travailler la création d’une relation de confiance avec les entrepreneurs coachés par le GEL dès les premiers entretiens. Travailler la façon dont on se présente est aussi très important.”
Autre enjeu repéré par les coachs : le financement
L’accompagnement est entré dans une deuxième phase en présentiel avec le déplacement des 2 coachs au Bénin en octobre 2021 pour une semaine de coaching intensive à destination de Geoffroy Mele et de ses équipes : “On a travaillé concrètement la résolution des problèmes repérés lors du diagnostic et, ce faisant, de nouvelles questions se posent. C’est très enrichissant”, relate Geoffroy Mele. Isabelle Van Pachterbeke analyse : “La première question que nous avons bien approfondie, c’est celle de la relation entre le bénéficiaire, c’est-à-dire celui qui est coaché, et son coach. Pour cela, j’utilise de multiples outils que l’équipe peut s’approprier et utiliser par après”. Isabelle Van Pachterbeke rappelle par la même occasion que, dans la méthodologie de travail développée avec le TDC, “l’idée est vraiment de se focaliser, après le diagnostic, sur les objectifs que se fixent le GEL. On part vraiment des besoins de la structure.”
“Un autre enjeu déterminé par le GEL est de pouvoir personnaliser l’accompagnement offert aux entrepreneurs”, continue Isabelle Van Pachterbeke, “Car le profil et les attentes des entrepreneurs sont variés. Il faut donc que les coachs du GEL s’adaptent à chaque entrepreneur et se posent la question de la motivation de chacun. Certains outils sont traduits en langue locale de façon à faciliter leur appropriation.” Isabelle revient ainsi sur la question de la posture : “C’est central. Le métier de coach n’est pas simple, contrairement à ce que l’on pourrait penser.” Autre enjeu fondamental, celui du financement : “Voilà en effet un autre enjeu de la plus haute importance. Les entrepreneurs n’étant pas en mesure eux-mêmes de financer leur accompagnement, c’est le GEL qui fait tout un travail, et Geoffroy particulièrement intensément, d’aller chercher des fonds.” Geoffroy Mele reconnait que “cela demande beaucoup d’énergie”. Isabelle Van Pachterbeke va s’atteler avec lui à la question de la professionnalisation de la réponse aux appels d’offres dans les prochains mois.
Pour les mois à venir, les défis sont posés
Le prochain déplacement des coachs aura lieu au printemps 2022 : “On avance en fonction des priorités de la structure”, commente Isabelle Van Pachterbeke, “Par rapport à l’équipe, on a défini un plan d’actions avec pas mal de choses que les conseillers du GEL voudrait asseoir. Sur la création de cette relation de confiance, par exemple, plusieurs éléments mis en exergue vont être testés par les membres de l’équipe. Ceux-ci ont envie de tester, refaire les exercices et jeux de rôles, etc.” Isabelle Van Pachterbeke insiste sur l’importance de cocréer “pour que les choses soient plus durables.” Geoffroy Mele ajoute : “Les défis sont surtout de favoriser une stabilité au sein de l’équipe. On a besoin de temps d’échanges, de mobilité. Je suis un des seuls qui peut se déplacer sur les différents sites. On aimerait mettre en place des team building où l’on mobiliserait toutes les équipes. Il s’agirait de moments différents des réunions habituelles. Ces temps-là permettraient de mieux se connaître les uns les autres.”
Pour Geoffroy Mele, “Le défi, en résumé, est la pérennisation de la structure à plein de niveaux : partenariats, équipe, financement.” Autre défi, mentionne-t-il : “Installer une base de données pour permettre à toutes les équipes d’accéder aux outils via une plateforme en ligne. Cela favoriserait également les échanges d’informations.” Pour Isabelle Van Pachterbeke, il y plus globalement “la visibilité du GEL à renforcer, même si beaucoup de choses existent déjà et sont en cours d’amélioration.” Et, enfin, dans les cartons pour 2022, l’élaboration de plusieurs formations certifiées : avec un focus Genre et Environnement en collaboration avec Louvain coopération ; et avec un focus sur la filière ananas et la transformation du produit et sa certification avec le TDC : “On travaille particulièrement avec Enabel l’accompagnement des entrepreneurs transformateurs dans la filière ananas. On transforme déjà l’ananas en jus, poudres, fruits secs, biscuits, etc. Mais il nous reste des défis à relever au niveau de la certification de ces produits. Nos coachs se forment et il y a beaucoup d’émulation à ce sujet.”
GEL Sud Bénin compte actuellement 12 collaborateurs, dont dix conseillers et deux collaborateurs administratifs répartis entre les deux bureaux de Lokossa et Abomey Calavi. Il a également recours ponctuellement à des conseillers spécialisés “en fonction des besoins”. Par rapport à la localisation, une des idées pour l’avenir proche est la création d’un site plus polyvalent : “Dans la vision, on intègre cette question : comment arriver à disposer d’un village partenaire avec des services réunis pour les entrepreneurs : incubateur, espaces pour se rassembler, pour auditer. Qu’ils aient un lieu pour converger toutes les bonnes énergies nécessaires pour faire ce métier d’entrepreneur.”
Propos recueillis par Charline Cauchie.
Le GEL Sud Bénin a été créé via Louvain coopération en 2010 et est devenu autonome de l’ONG belge en 2013. Retour sur ces premières années d’existence avec Vincent Henin, référent entrepreneuriat, environnement et microfinance communautaire au sein de Louvain coopération.
Pouvez-vous d’abord nous expliquer ce qu’est exactement Louvain coopération ?
Louvain coopération est l’ONG de coopération de l’UCLouvain. Elle a 3 domaines d’intervention dans ses programmes avec le sud : d’abord la santé avec l’appui aux structures de santé ; l’accès aux soins de santé avec l’appui aux systèmes mutualistes ; et, enfin, la sécurité alimentaire et économique où se retrouve l’appui aux activités entrepreneuriales. J’ai pris en charge ce dernier domaine dès 2009 où l’idée du GEL Sud Bénin a été lancée.
Quel était votre expertise pour monter le GEL Sud Bénin ?
On avait collaboré avec Groupe One dès 2005 pour développer un guichet d’économie locale, d’abord au Sud Kivu en République Démocratique du Congo (RDC). Puis, seuls, on en a créé un en Bolivie à Oruro en 2006 et au Burundi qui s’appelle la Maison de l’entrepreneur.