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Coaching en Côte d’Ivoire: bilan et perspectives avec les coopératives

Depuis plusieurs années, le Trade for Development Centre (TDC) d’Enabel accompagne des coopératives productrices de cacao en Côte d’Ivoire. À quels enjeux sont confrontés les acteurs de terrain ? Comment se traduit le coaching concrètement ? Comment démultiplier son impact sur l’ensemble de la filière ? Réponses avec les différentes parties prenantes au cours d’une table ronde à Bruxelles. 

Ce 25 octobre 2022 étaient réunis dans les locaux d’Enabel, l’Agence belge de Développement, divers représentants de coopératives ivoiriennes qui interviennent dans la filière du cacao. Une filière qui cristallise nombre d’enjeux en matière de commerce durable et équitable. Et qui illustre de manière assez représentative l’impact du programme de coaching en gestion financière, organisationnelle et en marketing proposé par le TDC en Afrique. 

Comme le rappelle Mathieu Desantoine, Marketing Coaching Programme Officer, le TDC implémente des activités en lien avec le commerce équitable et durable tant au Nord qu’au Sud. « En Belgique, il s’agit principalement d’actions d’information et de sensibilisation concernant cette thématique. Dans les pays partenaires africains, le TDC soutient également des activités de communication et de plaidoyer sur le commerce durable, mais accompagne aussi l’entrepreneuriat local engagé dans ce type de commerce. En renforçant les coopératives au niveau de leur gestion et de leur marketing, l’appui du TDC vise à leur procurer un meilleur accès au marché et aux financements. Ce qui devrait leur permettre d’augmenter les services qu’elles peuvent rendre à leurs membres, de booster leur chiffre d’affaires et, in fine, d’améliorer les revenus des producteurs et leur qualité de vie. »  

Coopératives à haut potentiel

Les services de coaching proposés par le TDC se veulent « individualisés », adaptés aux besoins et ressources de chaque coopérative et délivrés dans ses locaux. D’une part, parce que le travail va porter sur des données sensibles qui ne doivent pas être divulguées à la concurrence. Et d’autre part, parce qu’il repose sur un processus participatif de co-création et des techniques destinées à faire émerger l’intelligence collective. « La plupart des organisations accompagnées en Côte d’Ivoire se sont structurées en coopérative aux alentours de 2010 : elles sont donc relativement jeunes ; ce qui n’est pas anodin en termes de dynamique et de gouvernance et peut complexifier certains enjeux », note Maxime Bacq, Coach en finance et management pour le compte du TDC. 

Sur la période 2020-2022, pas moins de 34 organisations en Afrique — 12 en Côte d’Ivoire — ont bénéficié de ce coaching en gestion financière et organisationnelle, en marketing, qui balaie les éléments-clés de l’entrepreneuriat : business plan, gestion des finances, des stocks, des ressources humaines, positionnement stratégique, identité visuelle, négociation, communication… Certaines ont aussi reçu un subside pour réaliser des activités en lien avec la stratégie définie. « Ces coopératives avaient été sélectionnées, au préalable, sur base de leur (haut !) potentiel en termes d’impact social, de durabilité financière et/ou de de croissance économique », précise Mathieu Desantoine. « Car si les success stories se concrétisent, c’est tout le secteur qui sera entraîné vers le haut par effet levier. » 

Pour démultiplier l’impact sur la filière, le TDC soutient également des « Business support organisations », des structures d’appui aux entreprises, dont trois en Côte d’Ivoire. « Il y a beaucoup de formateurs et de consultants dans le pays, mais finalement peu de coachs, d’accompagnateurs, de facilitateurs. D’où l’intérêt de travailler cette posture avec les équipes en place et de renforcer les capacités, car le potentiel est là ! », assure Mathieu Desantoine. La viralisation des bonnes pratiques passe aussi par une stratégie « Train the trainers » : à savoir le coaching de profils locaux, membres ou proches des coopératives, susceptibles de collaborer avantageusement avec les coachs du TDC et d’amplifier l’impact du coaching auprès des publics-cibles. Dans le cadre d’un projet pilote, un binôme de ce type (coach international + coach local) a été constitué pour un coaching marketing en Côte d’Ivoire, à l’issue duquel la complémentarité des compétences, connaissances et expériences s’est révélée fructueuse. À renouveler, donc ! 

Fidélisation et recrutement

Du côté des coopératives accompagnées par le TDC, les coachings ont été ressentis comme positifs à plus d’un titre. « L’impact a été bénéfique », se réjouit Fortin Bley, Secrétaire Général de Cann Coop et Président du Réseau Ivoirien du Commerce Équitable (RICE). « Avant le coaching d’Enabel, notre coopérative voyait fondre le nombre de ses membres. De 800 producteurs, nous étions passé à 300 et nous n’avions aucune piste pour renverser la tendance. Grâce au coaching, nous avons mis en place une stratégie basée sur la transparence et la mobilisation qui nous a permis de récupérer les membres perdus et d’en gagner de nouveau. Actuellement, nous comptons plus de 835 membres ! Au niveau de la gestion organisationnelle, nous avons pu résoudre une série de problèmes dans nos sections, liés notamment à la déforestation, et augmenter ainsi notre production. » Et Amenan Agnès Kouadio, Directrice Générale de Cann Coop d’illustrer : « De 50 tonnes de cacao en octobre 2021, nous sommes passés à 200 tonnes aujourd’hui ! »  

Comme le fait remarquer Christine Englebert, Coach en marketing pour le TDC, « Le grand enjeu au niveau marketing est bien souvent davantage à l’interne qu’à l’externe car le premier client de la coopérative, ce sont ses membres. On va donc analyser leur fonctionnement, les sections qu’ils fréquentent et celles qu’ils délaissent, la manière dont circulent ou pas les informations, les problèmes et tensions éventuels, les besoins rencontrés, etc. À travers ces échanges, nous récoltons divers inputs et impliquons les uns et les autres dans le processus de changement. On ne se positionne jamais en expert qui pose un diagnostic, trouve des solutions et les fait exécuter. Notre rôle consiste plutôt à faciliter la réflexion et à enclencher une dynamique de co-construction des solutions, qui va aider à leur implémentation ». Idem pour la communication externe : la démarche se veut résolument interactive. Un plus pour l’appropriation ! 

Certification et diversification

Le coaching en marketing permet aussi aux coopératives de s’aligner sur leur proposition de valeur et d’être équipées pour prospecter. « Le travail autour de notre communication nous a fait prendre conscience que nous ne devions plus attendre que les partenaires viennent à nous, mais que c’était à nous de les solliciter, en participant à des événements d’envergure, notamment », confie Yesson Gbananan Moussa Yeo, Directeur Général de la coopérative Yeyasso. « Grâce au coaching de TDC, nous avons professionnalisé divers aspects de notre coopérative comme l’analyse de données financières et commerciales, la mise en place de partenariats (avec la chocolaterie Galler, entre autres), la cohésion d’équipe (dirigeants, personnels, membres), etc. Nous avons aussi été encadrés pour notre certification Fairtrade et notre certification bio — ce qui a amélioré la qualité de notre cacao et ses saveurs ! Et nous avons été épaulés dans nos projets d’agroforesterie et de diversification. Autant d’acquis que nous souhaitons pérenniser au sein de notre organisation, tout en en faisant profiter la filière en les mettant à disposition des organisations partenaires. » Et Dominique Derom, Coach TDC, d’ajouter : « Ce sont les avantages d’un coaching à long terme ! Tous ces progrès ont pu être accomplis parce que l’on suit Yeyasso depuis 2017. Et d’autres projets sont encore à venir… ». 

Certification, diversification, des enjeux rencontrés par nombre de coopératives en Côte d’Ivoire au cours de leur développement ! « Intégrer des règles et des principes pour des coopératives encore relativement jeunes ne se révèle pas toujours évident », souligne Maxime Bacq. « Sans parler des incertitudes opérationnelles et financières auxquelles sont soumises les coopératives. Les certificats peuvent entraîner, dans une certaine mesure, une forme de dépendance envers les clients. Bien souvent, en effet, ce sont ces derniers qui décident quasi unilatéralement des quantités achetées en certifié, avec pour conséquence que les coopératives vont finalement découvrir tout au début de la saison si elles vont pouvoir valoriser une partie ou l’entièreté de leur production. Les marges commerciales pour la vente de cacao non-certifié tournent autour de 7-8 % brut, 1-2 % net. C’est peu pour se développer. Cela fait beaucoup de besoins de trésorerie pour des structures qui, souvent, ont les reins peu solides. D’où cette volonté de se diversifier ! Via les certificats, mais pas seulement. Parmi les autres pistes explorées, il y a grandir dans la filière cacao, en ayant plus de membres, en produisant plus ; intégrer des activités de la chaîne de valeur (transformation, logistique, etc.) ; proposer d’autres produits (valorisation des déchets organiques, engrais, biogaz, etc.) ».  

De l’idée au marché

Durant la table ronde, le public s’est montré particulièrement intéressé par l’accompagnement délivré par le TDC en matière de diversification. Si celle-ci réussit, en effet, elle permet de diversifier les revenus des producteurs et maximise leurs chances d’obtenir des conditions de vie décentes pour eux et leurs familles. Comment choisir les produits à cultiver ? Comment analyser leur potentiel de commercialisation au regard des contraintes rencontrées par les coopératives et des spécificités du marché ? « Il convient de réaliser une étude de marché », insiste Dominique Derom, qui a accompagné le processus chez Yeyasso. « Quand la diversification nous a semblé opportune, nous avons examiné avec les dirigeants de la coopérative les différents axes possibles. Nous avons aussi consulté les producteurs et leurs familles : leur avis est capital car ce sont eux qui vont cultiver les produits. Ensuite, nous avons pris contact avec des chefs de villages pour voir quels produits pourraient les intéresser. Certaines  populations préféraient le manioc, d’autres le riz, d’autres encore le maïs ou la volaille. Cette shortlist dressée, il restait à examiner les débouchés auprès de l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural. Toutes ces informations ont orienté le choix de Yeyasso de se lancer dans la culture du manioc et du riz, car cela répondait aux besoins des producteurs mais aussi du marché local, régional, voire international via le Burkina Faso »

Pour Christine Englebert, « Quand on aborde la diversification, la question à se poser, c’est de savoir si l’on souhaite développer un service aux membres ou si l’on cherche à renforcer la coopérative économiquement. Selon la réponse, la diversification va être très différente. Si on veut s’assurer que les producteurs qui ne vivent que du cacao aient une certaine autonomie alimentaire, aient accès toute l’année à d’autres types de revenus, alors on va favoriser du petit entrepreneuriat. Avec des groupements de membres, en introduisant des oranges, du manioc dans leurs plantations. Avec des groupements de femmes qui vont, notamment, travailler des produits comme le savon afin de les écouler localement sans être confrontées aux complexités d’un marché international ou d’un marché plus formalisé et afin d’enregistrer rapidement de petites rentrées. Si l’option est celle de la coopérative qui veut se diversifier pour se renforcer économiquement, alors, le challenge va être, par exemple, de combiner le cacao à une autre grande spéculation de la Côte d’Ivoire comme l’huile de palme ou l’hévéa. Quelle que soit l’option choisie, il serait illusoire de croire qu’une diversification se gère en un an ou deux. C’est vraiment un engagement que la coopérative doit prendre sur du très long terme ». Mais qui, intelligemment menée, peut lui offrir de belles perspectives de développement. 

Allison Lefevre

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