Le Trade for Development Centre publie une troisième enquête sur la consommation responsable. Cette enquête a pour but d’appréhender les principales préoccupations des Belges, leurs critères de choix lors de l’achat de produits alimentaires, cosmétiques ou de vêtements, ou encore l’influence de diverses crises. L’étude vise également à mieux connaître la perception des Belges quant aux produits équitables, éthiques, biologiques, écologiques et locaux, l’importance qu’ils leur accordent et leur avis sur une éventuelle législation en matière de devoir de vigilance des entreprises.
L’étude 2023 a été réalisée en ligne par Incidence entre le 30 juin et le 11 juillet, auprès d’un échantillon représentatif de 1.504 personnes âgée de plus de 16 ans vivant en Belgique. La marge d’erreur maximale pour cet échantillon est de 2,5%.
Les perceptions sociétales des répondants :
- L’ensemble des sujets évalués semble légèrement moins préoccupant actuellement par rapport à 2022 et 2020, l’augmentation du prix de l’énergie et des matières premières prend nettement le dessus sur d’autres problématiques comme la pollution, la santé ou le bien-être personnel.
- L’augmentation du prix de l’énergie et des matières premières, le pouvoir d’achat et la santé sont les 3 préoccupations principales des Belges :
- L’augmentation des prix et du cout de la vie préoccupe surtout les femmes wallonnes de plus de 35 ans.
- La crise sanitaire ne préoccupe plus autant les Belges, 52% disent en être plutôt ou très préoccupés contre 82% en 2020 et 62% en 2022 et ce sont principalement les personnes de plus de 55 ans qui sont préoccupées.
- La guerre en Ukraine préoccupe un peu moins qu’en 2022 (67% contre 77% en 2022), il s’agit toujours des néerlandophones plus âgés qui sont davantage préoccupés.
- D’une manière générale, les plus de 35 ans, les femmes, les wallons et les répondants avec un niveau d’études moyen et élevé sont préoccupés par plus de problématiques.
- Selon les Belges, consommer de manière responsable signifie recycler plus, réutiliser et réparer (27%), acheter des produits de saison (25%), acheter des produits locaux et issus des circuits courts (21%), utiliser moins d’emballage et produire moins de déchets (20%), réduire sa consommation (d’énergie) (20%) et acheter des produits durables (19%).
- L’achat de produits équitables est dans le Top10, devant la limitation de l’achat de produits neufs et le choix de sources d’énergies renouvelables. Les néerlandophones sont plus nombreux à définir la consommation responsable par l’achat de produits équitables.
- La sensibilité des Belges à propos des enjeux sociétaux a diminué depuis 2020, 59% s’accordent pour dire qu’il va falloir vivre et consommer différemment dans l’intérêt des générations futures.
- Les femmes francophones plus âgées, avec un niveau d’éducation élevé, sont davantage conscientes des conditions dans lesquelles certains produits sont fabriqués et sont également convaincues que leurs achats ont un impact, positif ou négatif, sur l’environnement et sur les conditions de vie des producteurs. Elles ont également choisi de diminuer leur consommation de viande, surtout les bruxelloises.
- Les plus jeunes répondants s’entourent plus facilement de leurs proches pour aborder ces sujets liés à la consommation, 42% en parlent avec leur entourage pour voir ce qu’ils peuvent faire eux-mêmes pour améliorer le monde. Ils sont également plus réticents à changer leur manière de consommer par peur d’exclusion d’un groupe.
- Les hommes ont tendance à moins s’impliquer dans les problématiques, 34% estiment que leur comportement n’a pas d’impact sur le fonctionnement de la société (contre 25% de femmes), ils ne prêtent plus attention aux trop nombreux labels et restent fidèles aux marques qu’ils achètent habituellement.
- Peu importe le type de produit acheté, le critère principal et loin devant les autres critères reste le prix. En 2022, le prix était également le critère le plus important mais dans une moindre mesure (pour les produits alimentaires, il est actuellement à 60% contre 37% en 2022).
- Pour les produits alimentaires, les critères qui viennent ensuite sont directement liés au produit ;
- les aspects qualitatifs : surtout pour les néerlandophones venant d’un milieu semi-urbain et ayant un niveau d’éducation élevé,
- la durée de vie (date de péremption) : critère important pour les hommes,
- la saisonnalité : surtout pour les femmes francophones plus âgées,
- et le caractère sain et sûr : pour les personnes plus âgées avec un niveau d’éducation plus élevé.
- Pour les produits alimentaires, les critères qui viennent ensuite sont directement liés au produit ;
- Pour les produits cosmétiques, de beauté et de soin, les deux critères qui viennent après le prix sont le caractère sain et sûr des produits et le respect du bien-être animal lors de la production, qui touchent un peu plus les femmes.
- Pour les vêtements et textiles, le second critère de choix est la durée de vie du produit dans le temps.
Effets des crises sur la consommation :
- Les crises que nous vivons actuellement (augmentation du coût de l’énergie et des prix, les changements climatiques et le Covid-19) ont un réel impact sur les habitudes de consommations des Belges.
- En 2020, 2021 et 2022, la crise du Covid-19 modifiait l’importance des critères de choix lors des achats d’environ 50% des Belges. Maintenant que nous parlons de différentes crises, dont l’augmentation des prix, c’est 80% des Belges qui affirment avoir modifié leurs critères de choix lors de leurs achats.
- Les femmes francophones plus jeunes avec un niveau d’éducation plus faible sont la cible la plus fortement touchée par les différentes crises.
- Ces changements d’habitudes liés aux différentes crises sont majoritairement faits pour des raisons économiques.
- Les jeunes francophones avec un niveau d’éducation élevé sont plus nombreux à déclarer changer leurs habitudes pour des raisons écologiques.
- Les hommes déclarent être moins, voire pas du tout, impactés par les différentes crises.
- À nouveau, le changement d’habitudes de consommation le plus important pour tous les types de profil est l’attention aux prix de ce qu’ils achètent, au détriment des enjeux sociétaux qui entrainent bien moins de changement d’habitudes de la part des Belges.
- Les francophones sont plus attentifs à limiter la quantité de leurs déchets et diminuer leur consommation. Les plus âgés limitent leurs déchets et privilégient des produits locaux et de saison.
- Les bruxellois font plus attention à la provenance des produits, aux conditions de travail des producteurs et à l’engagement des entreprises pour la planète et/ou la société.
- Selon les Belges, et principalement les plus âgés, ce sont les consommateurs eux-mêmes et l’Etat ou autres pouvoirs publics qui sont les acteurs les plus importants pour promouvoir le développement de comportements de consommation responsable.
- Les plus jeunes, eux, attendent un peu plus d’être pris par la main, ils estiment que c’est à l’école ou via les médias et réseaux sociaux que cela doit se faire. Concernant les obstacles à une consommation plus responsable, ils sont d’ailleurs plus nombreux à ne pas savoir comment s’y prendre et à attendre qu’il y ait plus d’obligations pour une consommation plus responsable.
- Pour l’ensemble des Belges, l’obstacle principal à une consommation plus responsable est le coût (61%).
- L’obstacle du coût est plus présent chez les femmes néerlandophones de plus de 35 ans
- Les francophones ont plus de mal à renoncer à leurs plaisirs.
Engagement des entreprises :
- Il est difficile pour les Belges de se positionner par rapport à l’engagement des entreprises envers la planète et/ou la société :
- La moitié des Belges estiment que les entreprises ne s’engagent pas suffisamment
- Mais les Belges n’ont pas d’avis particulièrement marqués sur ce sujet (les réponses sont limitées à des « plutôt oui » ou « plutôt non »).
- Lorsqu’une entreprise communique sur ses engagements pour la planète et/ou la société, 11% des Belges considèrent que c’est une bonne chose, 51% ont tendance à penser que c’est un premier pas, mais n’ont pas totalement confiance et 22% n’y croient pas, principalement les francophones plus âgés.
- Les Belges attendent clairement une législation pour éviter les violations des droits humains ainsi que les dommages environnementaux tout au long des chaînes d’approvisionnement (89%).
- Les francophones plus âgés estiment que la loi doit s’appliquer à l’entreprise et à l’ensemble de leurs fournisseurs.
- Les néerlandophones plus jeunes pensent qu’elle ne doit pas remonter à leurs fournisseurs
Comparaison des types de produits :
Locaux | Biologiques | Ecologiques | Equitables | Ethiques | |
Déjà entendu parler et sait ce que cela signifie | 83% | 79% | 66% | 61% | 47% |
Caractéristiques principales | •Produits à quelques kilomètres du lieu où ils sont achetés •Produits en Belgique •Achat direct, sans intermédiaire •Produits de saison | •Sans pesticide •Sans conservateur •Sains, bons pour la santé •Chers •Non-irradiés •Sans OGM | •Avec une faible empreinte écologique •Respect de l’environnement •Utilisation de matières premières réutilisables •Avec peu ou pas d’emballage | •Permettent une rémunération correcte des producteurs •Produit dans le respect des droits humains •Permettant d’améliorer les conditions de vie des petits producteurs •En provenance des pays du Sud, en développement • | •Produits dans le respect des droits humains •Par des entreprises ayant mis en place des codes de conduite •Produits dans le respect du bien-être animal •Permettent une rémunération correcte des producteurs |
Locaux | Biologiques | Ecologiques | Equitables | Ethiques | |
Accord sur la définition (plutôt bien + tout à fait) | 90% | 86% | 83% | 83% | 77% |
Importance d’achat (plutôt et très important) | 66% | 52% | 57% | 62% | 54% |
Fréquence d’achat (minimum une fois par mois) | 52% | 38% | 35% | 32% | 27% |
Classement selon l’importance accordée | 1 | 3 | 4 | 2 | 5 |
Recommandations
Suite à l’analyse de ces résultats, nous pouvons formuler différentes recommandations :
Il faut sortir du postulat « produits équitables = produits plus chers. »
- Nous constatons que l’augmentation du cout de la vie prend totalement le dessus sur les autres problématiques actuelles :
- Au niveau des préoccupations, l’augmentation du prix de l’énergie ainsi que le pouvoir d’achat et le cout de la vie viennent en première position et font donc diminuer les autres préoccupations par rapport à 2020 et 2022.
- Cette baisse de préoccupation survient également au niveau de la sensibilité liée à une consommation plus responsable des consommateurs qui est également inférieure à 2020 et 2022.
- De plus, au niveau des critères de choix lors des achats, le prix vient en première position et loin devant d’autres critères de consommation responsable. En mai 2022, l’Apaq-W a mené une étude auprès de 1000 Belges francophones qui démontraient que le critère principal pour l’achat de fruits et légumes était le prix, au détriment des produits bio et autres circuits courts*. Ensuite, lorsque nous parlons des différentes crises que nous connaissons (Covid-19, augmentation du coût de l’énergie et des prix, les changements climatiques), 80% des répondants affirment qu’elles ont un impact sur leurs critères de choix (contre 52% en 2020 lorsque nous évoquions uniquement la crise du Covid-19). Et à nouveau, l’impact principal est que les Belges font plus attention au prix de ce qu’ils achètent.
- Enfin, selon les Belges, le cout est le principal obstacle à une consommation responsable.
- 1 Belge sur 5 attribue le critère « Chers » aux produits équitables.
►Lorsque les Belges sont impactés par l’augmentation des prix, ils choisissent leurs produits principalement en fonction du prix.
►Ils ont une vision du produit équitable cher,
►Il faut sortir de ce postulat par exemple en communiquant sur les produits équitables de grande surface disponibles à prix attractifs.
►Nous recommandons d’axer la communication de ces produits sur les prix des produits équitables et pas directement sur le fait que le produit soit équitable.
►Le fait que le produit soit équitable est un « bonus » mais ne va pas influencer ou convaincre directement le consommateur dans son choix.
►Ce constat est fortement lié aux crises que nous vivons actuellement. En dehors du contexte de ces crises, il est toujours important d’éduquer les consommateurs sur ce qu’il y a derrière le prix d’un produit équitable, soit expliquer que le prix “normal« qui inclût les coûts liés au respect d’un travail décent ou de l’environnement = le prix équitable.
Grouper la communication des produits locaux et de saison avec les produits équitables.
- Selon les Belges, consommer de manière responsable, c’est principalement acheter des produits de saison et des produits locaux, issus des circuits courts.
- Les Belges connaissent davantage la définition des produits locaux par rapport à la définition des produits équitables.
- La notion d’achat de produits équitables pour consommer de manière responsable est dans le Top10 des actions dans la tête des répondants mais n’est pas aussi évidente que les produits de saison ou locaux.
►Nous recommandons d’axer la communication sur les produits locaux et équitables en montrant la complémentarité des gammes de produits.
Les jeunes ont besoin d’être davantage informés et pris par la main.
- Selon les jeunes, c’est à l’école ou via les médias traditionnels et sociaux que le développement de comportements de consommation responsable doit être mis en avant.
- Les jeunes sont également plus nombreux à estimer qu’une consommation plus responsable serait possible s’il y avait plus d’obligations et si ce n’était pas laissé au choix de chacun.
- Et les jeunes ne savent pas vraiment comment s’y prendre pour avoir une consommation plus responsable.
- La désirabilité sociale est plus importante pour les jeunes, ils sont plus sensibles à la perception que leur groupe a d’eux.
►Nous recommandons d’expliquer concrètement aux jeunes les bonnes pratiques pour consommer de manière responsable via :
- Des modules à propos de la consommation responsable et des enjeux sociétaux ajoutés au programme scolaire,
- Des capsules vidéo explicatives simples, attractives et accessibles à tous, diffusées sur les réseaux sociaux (TikTok, Instagram…) et à la télévision ou autres médias traditionnels.
- Il faut avoir une communication axée sur le groupe et pourquoi pas tenter de « faire un buzz » sur les réseaux pour que les comportements soient appliqués par le plus grand nombre. Un exemple de réussite à ce propos est la marque de baskets Veja.
►Nous recommandons également de pousser vers la mise en place progressive des obligations légales pour des comportements plus responsables.
Encourager les personnes plus âgées à devenir ambassadeurs de la consommation responsable.
- Les personnes de plus de 55 ans estiment que ce sont les consommateurs eux-mêmes qui doivent promouvoir le développement de comportements de consommation responsable.
- Ils estiment également que les publicités poussent à la consommation (non responsable).
- Ils sont déjà plus convaincus et adoptent plus de comportements liés à la consommation responsable (principalement les femmes)
►Il faut encourager ses personnes à devenir des référents au sein de leurs proches et à montrer la voie et les bonnes pratiques à propos de la consommation responsable auprès des autres générations.
Encourager la promotion de l’économie circulaire comme arguments de vente pour les entreprises.
- Pour environ un consommateur sur trois, consommer responsable signifie recycler plus, réutiliser ou réparer.
- Les Belges font partie des meilleurs élèves en termes de recyclage et de consommation de produits de seconde main.
►Les Belges sont prêts à consommer de manière responsable en pratiquant l’économie circulaire.
►Nous recommandons d’inciter les distributeurs et entreprises à mettre en place du recyclage ou de la réparation des produits qu’ils proposent à ces consommateurs et de communiquer sur cette stratégie.