Virunga Origins - atelier Virunga Chocolat - Kris Van Axel

Virunga Origins : durable, éthique et 100% ‘made in Congo’ 

Depuis quelques années, Virunga Origins propose, entre autres, du chocolat et du café équitables et bio, produits de A à Z en République Démocratique du Congo, aux abords du célèbre parc éponyme. La marque s’inscrit en outre dans le cadre d’un ambitieux projet socio-économique visant à développer et pacifier cette luxuriante région, gangrenée par la pauvreté et la violence. 

Alors que le parc national des Virunga s’apprête à célébrer ses 100 ans d’existence l’an prochain, la région qui l’accueille, aux confins de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda, n’a sans doute que rarement été en proie à une telle instabilité militaire et politique. Au cours des 20 dernières années, les violences perpétrées par divers groupes armés n’ont fait que s’y accentuer, ajoutant un fardeau supplémentaire sur les épaules des quelque 5 millions de personnes qui vivent dans cette zone déjà durement touchée par la pauvreté. À la misère s’est donc ajoutée la violence pour former un cocktail détonnant d’insécurité, de braconnage, de coupe illégale de bois, etc. dans et aux abords du célèbre parc protégé, qui de surcroît fait aussi l’objet de nombreuses convoitises de la part d’entreprises internationales lorgnant sur son riche sous-sol (pétrole, minerais…). 

“Le parc est menacé de toutes parts”, résume ainsi Marie d’Huart, CEO pour l’Europe de Virunga Origins. “Face à cette situation, une réflexion systémique a été menée, avec l’aide de bailleurs de fonds internationaux, des instances diplomatiques congolaises et de pays qui soutiennent la RDC. Celle-ci a débouché sur l’idée que si le parc, dont la préservation constitue une perte de ressources naturelles et donc financières pour les populations locales, parvenait à développer une proposition économique alternative permettant d’offrir un revenu décent à ces populations, elles n’auraient alors plus intérêt à exploiter cette zone protégée. C’est sur cette base qu’a été lancée, en 2013, l’Alliance Virunga. Cette initiative issue d’un partenariat public-privé se fonde sur trois piliers : la mise en place d’un écotourisme sain, malheureusement à l’arrêt suite aux violences actuelles, l’approvisionnement énergétique des régions limitrophes, via la construction de centrales hydroélectriques, et le développement agro-économique de la région, volet commercialisé par la marque Virunga Origins depuis son lancement il y a 5 ans”. 

“Made in Congo” 

Au fil des années, Virunga Origins a progressivement étoffé son offre (vanille, graines de chia…), mais ses deux produits phares demeurent le café et le chocolat. “Nous avons fait le pari de bâtir l’ensemble du processus de production sur place afin de conserver toute la valeur ajoutée au niveau local”, poursuit la dirigeante, qui a pris ses fonctions au printemps dernier. “Pour le cacao, cela signifie que nous allons sécher les fèves, les torréfier, les débactériser, les broyer, les transformer en chocolat et emballer les tablettes localement. Idem en ce qui concerne le café pour lequel nous disposons même de l’équipement nécessaire pour le conditionner en capsules biodégradables. Nous sommes donc en train de former un grand nombre de personnes, de leur fournir un emploi, et ce, dans une région où le taux de non-emploi atteint les 80%. En outre, toutes les entreprises que nous mettons ainsi sur pied s’inscrivent dans l’économie sociale et ne poursuivent aucun but lucratif. Pour résumer, je dirais que nous avons mis en place une sorte de Silicon Valley vertueuse, dans laquelle plusieurs zones économiques sont en train de voir le jour, et qui s’inscrivent dans les principes du commerce équitable, la durabilité environnementale et le 100% ‘made in Congo’ “. À noter que dans le cas du chocolat de Virunga Origins, une chose est cependant belge : les recettes, qui ont été élaborées par le chocolatier brugeois Dominique Persoone. Chaque mois, la marque produit ainsi environ 10 tonnes de chocolat et quelques centaines de kilos de café. Pour écouler ses marchandises, Virunga Origins cible l’Europe, mais ne délaisse pas pour autant l’Afrique. “Pour se procurer nos produits en Belgique, les particuliers passent par notre webshop et le corporate s’adresse à nous en direct. Nous disposons d’un entrepôt à Malines qui dessert tout le volet B2B, dont un certain nombre de boutiques bio et spécialisées. Par contre, nous ne sommes pas encore présents dans la grande distribution, mais l’ambition est là. Et c’est mon job de la concrétiser. Ailleurs en Europe, nos produits sont pour l’instant essentiellement commercialisés en Allemagne, au Luxembourg, en France, en Italie et un petit peu en Espagne. Nous vendons aussi beaucoup en RDC et en Afrique. Les mêmes produits qu’en Europe, comme le café, le chocolat, la vanille, etc. mais également des produits uniquement destinés au marché local comme des biscuits vitaminés, de l’huile de palme ou encore du savon”. 

Multi-cropping, primes et living income 

L’ensemble des produits Virunga Origins, qui disposent pour la plupart de la triple certification Fairtrade, bio et Rainforest Alliance, sont par ailleurs le fruit de l’une des initiatives clés mise en place par la marque, à savoir le multicropping ou culture multiple. “Cette méthode constitue une assurance de revenus pour les agriculteurs qui vont, sur une même parcelle, cultiver plusieurs cultures afin de contrer les fluctuations internationales, les effets du changement climatique et surtout la saisonnalité de certaines récoltes”, souligne Marie d’Huart. “Ils vont cultiver à différents moments de l’année de la vanille, des palmiers, du cacao, du café… Sans oublier les cultures vivrières ou destinées au marché local comme des haricots, des arachides, du manioc ou autre”.  Une autre initiative mise en place par Virunga Origins est le versement systématique d’une prime aux producteurs. “Pour le cacao par exemple, nous payons en direct 100 dollars de plus par tonne par rapport au prix du marché, et ce alors même que nous prenons en charge via notre filière de toute la partie stockage et processing des fèves. Cette manière de faire soulage le travail des agriculteurs, limite le risque de pillage par des milices armées et nous permet d’avoir un meilleur contrôle sur la qualité”. Malgré ces mesures, la CEO ne peut toutefois pas (encore ?) affirmer que l’ensemble des producteurs de la filière Virunga Origins parviennent à atteindre le revenu vital. “Mon chantier actuel est d’objectiver toute une série de données, et notamment de faire un monitoring précis du living income. Pour les collaborateurs qui ont un emploi direct dans nos usines ou nos unités de transformation, il est évidemment atteint. Et en ce qui concerne les quelque 10.000 fermiers avec qui nous travaillons, mon sentiment est qu’il est globalement atteint grâce au multicropping, même si je ne suis pas en mesure de l’affirmer avec une certitude absolue à ce stade. Mais j’espère bien pouvoir le garantir très prochainement, ce qui constituerait une première dans le secteur”. 

Zéro déforestation, zéro exploitation et zéro violence 

Plus globalement, la ligne de conduite et la stratégie de Virunga Origins sont déterminées selon trois axes principaux, ajoute encore Marie d’Huart. “Notre boussole ESG comporte trois indicateurs phares : zéro déforestation, zéro exploitation et zéro violence. Ce dernier point est bien sûr le plus difficile à atteindre dans la région et constitue un objectif à long terme. Pour le réaliser, nous nous sommes fixé comme but de parvenir à créer un total de 100.000 emplois à l’horizon 2040. En 2021, nous en étions déjà à 4.000 emplois directs et indirects. Pourquoi 100.000 ? Parce que suite au monitoring de 2021, nous avons constaté que 10% de ces 4.000 emplois étaient occupés par d’anciens combattants qui avaient déposé les armes pour trouver un emploi stable. En extrapolant ce chiffre, sachant qu’il y avait à l’époque où la stratégie de l’Alliance a été élaborée entre 7 et 8.000 personnes enrôlées dans différentes milices armées, la création de 80 à 100.000 emplois pourrait potentiellement permettre de désarmer tout le monde dans la région”. 

“Produire et transformer, c’est facile. Le challenge, c’est vendre”

D’ici là, Virunga Origins devra néanmoins relever de nombreux défis, à commencer par le fait que l’instabilité et la pauvreté qui règnent dans la région oblige l’organisation à maintenir un suivi de tous les instants, notamment en ce qui concerne les installations. Un autre défi de taille est de parvenir à professionnaliser des personnes issues d’une région où l’alphabétisation ne va pas de soi, et ce, alors que la marque entend faire appel à une main d’œuvre 100% locale, y compris pour le poste de management. “Sans oublier que nous sommes actifs sur des marchés très concurrentiels, habitués à des prix planchers rendus possibles grâce à des distorsions continues. Structurellement, tout le monde trouve normal d’avoir une barre de chocolat à 2 euros, alors que cela ne peut qu’être la conséquence de prix d’achat dignes de l’esclavage”, dénonce Marie d’Huart. “Produire et transformer, c’est la partie facile. Tout l’enjeu sera de convaincre les consommateurs que notre chocolat ne veut pas être un chocolat d’élite, mais que son prix est tout simplement juste”.

Selon la CEO de Virunga Origins, les consommateurs ont par conséquent un rôle déterminant à jouer dans les nombreuses problématiques qui touchent les secteurs du café et du chocolat. “J’ai coutume de dire qu’on vote avec son portefeuille. Il n’est pas seulement question de s’informer, mais aussi de choisir et d’acheter. Et en ce qui concerne les pouvoirs publics, c’est encore plus évident. À mon sens, on ne devrait tout simplement plus permettre que des marchés publics puissent déboucher sur l’achat de café ou de chocolat qui ne sont pas équitables ou responsables”. Reste encore une dernière menace pour le projet Virunga Origins, et non des moindres : l’instabilité politique et militaire. “C’est le risque numéro un pour nous. La sécurité et la continuité de l’approvisionnement dans les conditions auxquelles sont confrontées les régions qui nous alimentent. Depuis un an, la situation a clairement empiré. Nos usines et nos plantations sont quasiment en zone de guerre… ” 

 
– Anthony Planus pour le Trade for Development Centre
– Photos : Marie d’Huart, CEO pour l’Europe de Virunga Origins

 

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