Fin novembre avait lieu la 4e édition des Journées Nationales du Commerce Equitable (JNCE), une initiative de la plateforme du secteur au Burkina Faso. Environ 300 personnes, dont des représentants du secteur privé, de ministères et institutions publiques, de coopératives de producteurs et d’organismes d’appui ont participé à l’évènement financé par le Trade for Development Centre (TDC) d’Enabel. Une initiative bien nécessaire pour aborder les multiples défis rencontrés par le secteur et tenter de trouver des pistes de sortie d’une crise qui perdure.
Créée en 2010, la Plateforme Nationale du Commerce Equitable du Burkina Faso (PNCE-B) promeut des produits équitables, biologiques et agroécologiques. Elle défend les intérêts de 70.000 producteurs membres de 40 organisations paysannes, dans les secteurs agro-alimentaires, mais aussi de l’artisanat et des cosmétiques et du textile.
Parmi ses activités phares, on retrouve le renforcement des capacités de ses membres, le plaidoyer, la recherche de partenaires pour ses membres (financiers et commerciaux), et, depuis 2018, l’organisation des Journées Nationales du Commerce Equitable (JNCE). La 4e édition a eu lieu à Bobo-Dioulasso les 27 et 28 novembre 2024, avec pour thème : « Le commerce équitable face aux défis de l’insécurité et des effets du changement climatique au Burkina ».
Pour Issaka Sommandé, président de la PNCE-B, « ces enjeux ont des répercussions profondes sur les systèmes de production, les moyens de subsistance des agriculteurs et la stabilité économique des communautés. Les effets du changement climatique tels que les sécheresses, les inondations et les variations extrêmes de température et des pluies affectent gravement la production agricole au Burkina Faso. Les petits producteurs sont particulièrement vulnérables à ces impacts qui menacent leur sécurité alimentaire et leurs moyens de subsistance. »
« Par ailleurs, en raison de l’insécurité présente depuis 9 ans dans le pays, nos membres rencontrent de nombreux problèmes. L’accès aux zones rurales et aux matières premières est de plus en plus difficile et certains clients ne veulent plus signer de contrats de peur de ne pas recevoir ce qu’ils ont commandé. »
En conséquence, les débouchés commerciaux au niveau national et international s’amenuisent, d’autant que l’insécurité crée aussi des problèmes au niveau de la certification. Issaka Sommandé précise : « Fairtrade international nous a fait savoir qu’ils ne pourront plus certifier de nouvelles organisations, même s’il existe une demande pour leur produit, ce que je trouve étrange, car il s’agit du même territoire que les producteurs déjà certifiés. D’ailleurs, ce n’est qu’avec Fairtrade International que nous avons des difficultés, pas avec les certificateurs bio, FFL ou la World Fair Trade Organization. Cela fait quatre ans que nous ne parvenons plus à faire certifier nos nouveaux membres par le principal label du commerce équitable. »
Interview du président de la PNCE-B par la télévision nationale, juste après l’ouverture des JNCE.
Synergies, innovations et plaidoyer
Les Journées nationales du commerce équitable sont l’occasion de tenter de répondre à ses défis, de plusieurs manières. Tout d’abord en développant des synergies entre les membres. « Des organisations qui produisent la même chose travaillent ensemble pour pouvoir répondre aux commandes des importateurs européens ». Ensuite en présentant des innovations, des solutions adaptées aux producteurs. « Dans le cadre de la lutte contre la déforestation, l’Etat a par exemple communiqué que le gaz subventionné ne pouvait être utilisé que par les ménages, plus par les transformateurs, qu’ils soient de mangues, de noix de cajou, de beurre de karité, etc. » explique le président de la PNCE-B. « Avec l’appui de partenaires, nous avons pu mettre en place une expérimentation, la chaudière à pyrolyse, auprès de trois de nos membres. Des consultants sont venus présenter les résultats concluants de ces tests lors des JNCE et l’Etat a pris l’engagement de mettre ses techniciens à disposition. L’Etat nous a finalement octroyé une période de grâce pour permettre aux producteurs et transformateurs de bien se préparer. Pour la campagne à venir, c’est bon. »
C’est aussi un des objectifs très importants de ces JNCE : inviter les représentants de l’Etat pour faire connaître et plaider en faveur du commerce équitable. En 2024, elles ont été organisées sous le patronage du ministre de l’industrie, du commerce et de l’artisanat du Burkina Faso. Toutes les structures techniques d’accompagnement de la région des Hauts-Bassins étaient présentes. « Elles nous ont encouragé à continuer le dialogue avec l’Etat pour qu’il soutienne ce type de commerce ». Un dialogue bien utile pour lever certaines incompréhensions. Récemment l’Etat burkinabé avait signalé sa volonté de taxer les primes du commerce équitable, considérées à tort comme un bénéfice. « Nous avons rencontré la directrice générale des impôts ainsi que son directeur adjoint, et ce problème est en voie de résolution. Désormais, les comptables pourront dissocier la prime des bénéfices dans leur rapport financier. »
Dieudonné Sow, du Trade for Development Centre, échangeant avec le Directeur Régional du commerce.
De nombreux projets
La PNCE-B ne manque pas de projets pour les prochaines années. Son président en mentionne quelques-uns. « Nous avons développé un plan stratégique 2024-2028. Pour répondre aux préoccupations des producteurs, nous voulons créer des points relais de notre plateforme dans les régions, en fait certains de nos membres dynamiques sont dans les treize Régions que compte le pays. Le plaidoyer au niveau de l’Etat constitue le deuxième axe fort de notre plan d’action pour 2025, entre autres pour faciliter l’importation de produits, comme les emballages, liés à la production de produits équitables, ainsi que l’exportation de ces derniers. Nous avons sollicité un rendez-vous en mars au niveau de l’Assemblée nationale, afin de présenter à nos députés l’avantage du commerce équitable pour le Burkina Faso, sur le plan économique, sur le plan social et sur le plan environnemental, mais aussi pour leur demander de voter des lois pour le soutenir. Nous voulons également promouvoir l’utilisation de produits équitables au sein de nos cantines scolaires et les lieux de grande consommation comme les internats… »
Une approche régionale
L’Afrique de l’Ouest compte plusieurs plateformes nationales de commerce équitable, qui s’invitent l’une l’autre lors de leurs évènements majeurs.( Les plateformes de Guinée) et La plateforme du Mali et la faitière de l’interprofession mangue de la GUINEE CONAKRY étaient présentes pour ces 27 et 28 novembre au Burkina. « Nous avons pu inviter la faîtière guinéenne du commerce équitable, qui n’est pas très développé là-bas, pour qu’elle vienne voir ce que nous faisions ». De son côté, la PNCE-B avait participé aux mêmes journées organisées en 2024 par le RICE (le réseau ivoirien du commerce équitable) à Abidjan. Et depuis 2022, l’idée d’une coordination des plateformes de commerce équitable en Afrique de l’Ouest a été lancée (car ne dit-on pas que l’UNION fait la force et qu’ensemble on va loin ?). Mais pour la faire vivre, il faudrait des moyens, qui font pour l’instant défaut à la PNCE-B.
Peu de moyens
« Outre notre plan stratégique, nous avons rédigé un plan de mobilisation des partenariats. » explique Issaka Sommandé. « J’espère que nous allons trouver des organisations qui vous nous appuyer pour mettre en œuvre, car en raison des problèmes diplomatiques entre la France et le Burkina Faso, nous ne bénéficions plus du programme Equité, qui prenait en charge un comptable et un chargé de projet au niveau de la PNCE-B. Nous sommes donc actuellement en recherche de ressources pour pouvoir prendre en charge ces deux personnes. Le fonctionnement de la PNCE-B est un casse-tête et un défi majeur à relever pour nous ».
Pour conclure, le président de la PNCE-B lance un appel à tous ceux ou toutes celles qui peuvent agir pour permettre à la PNCE-B de mettre en œuvre son plan stratégique. « Chez nous, on dit que le doigt ne boit pas du dolo (bière locale), mais peut indiquer oè se trouve le cabaret (le bar). Comme la feuille morte ne peut pas bouger sans un petit vent, notre plan strategique risque de rester dans les tiroirs s’il n’y a pas d’accompagnement de nos partenaires ».